lundi 8 juin 2009

EMPREINTES

Line LLAO

EMPREINTES


Cheminements infimes

Version 05 du 01 04 2007

Fenêtres sur le temps

Années faciles

Cinq heures de l’après-midi

Et l’homme dans son vieux garage sous-sol aménagé, seul, enfermé dans les WC, qui pleure dans son papier toilettes, assis sur le rebord de la cuvette, triste et défait.

L’œil rivé sur ses socquettes, le pantalon baissé sur ses souliers. Il tire la chasse, résolu à ne pas y revenir.

Dans le grand capharnaüm, un instant de tendresse.

Viré le café du réchaud, la ricorée vite avalée, il grimpe les étages, et s’en va lire la dernière revue de mode à la mémé du 5°, aveugle, à moitié sourde et muette. Puis va promener son roquet.

Revient dans les sous-sols vers les une heure, pour manger un œuf à la coque.

L’après-midi, garde le chat du pépère parti pour un examen en clinique, descend quatre à quatre les escaliers du 8° rendre les canaris tombés de fatigue de leur perchoir sous la couverture grise.

Avale son yaourt, puis poursuit par un sandwich SNCF, avale un café, boit son pinard, pense à son RMI qu’il va toucher.

Evacue tout son monde parti, ramasse les mouchoirs sales, il se soulage…

Tire la chasse, puis fait claquer le loquet.

Se rend dans la salle de bains, se rase la moustache, crache le verre de dentifrice en verre blanc. Se regarde dans la glace cassée.

Puis s’en va, dans sa jaquette secours populaire. Fume une brune, ferme les portes du garage à double tour avec la grosse clef au bout du citron, de plastique. Va vendre les journaux, du soir.

S’essuie le front avec son mouchoir à carreaux, prend son vélo. Encore un flirt…

S’arrête un instant pour admirer le balcon fleuri de la petite du 4° de l’immeuble d’à côté.
S’emplie d’air frais repart. Pousse un soupir.

C’est lundi.


Ether bleu

C’était comme une porte ouverte, qui s’ouvre sur un passé qui n’a jamais existé.

Elle se regardait dans un éclat de verre, glace bleutée où se reflétaient les volutes de fumée.

Elle n’a pas parlé, pas pleuré. Heure après heure, tranquille et calme.

Heureuse de vivre peut-être.

Elle disait : A force de regarder en soi, il ne reste plus de place pour les autres.

Ils voulaient tout.

Une grande paix l’envahit.

Une fleur dans ses mains, elle s’avança, extrêmement faible, si légère dans sa robe bleue lavande, si nue sous le voile de sa chasteté, et dans un murmure, souffla : Je touche le fond de l’eau.

Et s’effondra évanouie, dans les bras des dames. Le brin de lavande bleu resta sur les pavés, elle emportée. Il embaumait la grande salle du Hall.

Elle ne parlait pas fort, restait seule debout dans l’entrée, si frêle que la chair de ses doigts était translucide.

Le chat persan de la pension contre elle, elle souriait, ce chat, bleu pâle fourrure qui chatouillait les narines.

Il sentait bon le foin et l’oiseau des champs, elle redoutait le lendemain.

Elle se disait : L’Homme est un loup pour l’Homme et parfois certains voient des loups partout, l’Homme n’est malade que de l’Homme.

L’Etat, l’état de maladie.

La discipline de sa vie l’avait anesthésiée, elle respirait le visage tendu vers la grande fenêtre, cherchait l’air pur, vacillait dans l’atmosphère nue et glaciale, entre les immenses murs de pierre du couvent. Son corps parfait palpitait tout entier.

Tranquille malgré une pointe de crainte, elle esquissa un pas vers la porte centrale en clef, tournoya, et tomba.

Les hirondelles voletaient au dessus du corps vide.

Il y avait de cela cent ans.

Les lingères l’emportèrent dans un drap blanc.


Bobby

Nous sommes les jardins des autres, chacun visite, la matinée, l’autre côté de la petite haie de feuilles.

La vie, jardin des bonnes gens trempés sous la pluie, la paix des braves gens honnêtes fiers et bons, qui guettent le ballon rond du petit garçon, de l’autre côté de la haie.

Miroirs teints, pays vague où les voisins fuguent de peur de leur villa, où les femmes elles aussi ont des devoirs, quand les maris portent la culotte ou perdent au tiercé.

Où la cravate se porte devant le patron telle la corde au coup méritée du marié, la corde des pendus au clou.

Maisons blanches et roses où les couples officiels travaillent mènent leur vie depuis leur jeunesse.

Où il faut tirer un trait sur le vice et la vertu.

Où les amis des amis traînent leur bleu au front, leurs larmes et leurs pensées secrètes, vendent leur pain et leurs biens. Où les dresseurs de chiens font fortune, où les enfants font des rêves de fortune et de torture.

Où les jambons pendent aux fenêtres, aux âtres des cheminées, sans que jamais ne soit connu le nom de l’heureux élu, du fiancé ou de l’âme perdue, ni l’adresse du charcutier.

La coupe au rasoir qui dégage l’arrière des oreilles guette le garçon à qui il est interdit d’approcher la télé ou de s’attacher au radiateur avec les ceintures de son père.

Les petits chiens sortis le soir, reviennent gaillards, rassérénés et ravis, blancs tout comme la peinture de leur niche et les petites barrières blanches, bouledogues attendris, bavant doucement et tendrement, sur les mains des invités, barrières qui entourent le pavillon de planches de bois blanc, celui de Monsieur X.

Où la peinture s’écaille, et l’arrosoir hydrate les feuilles vertes des rosiers, à chaque taille d’arbustes et d’arbres, où les ciseaux s’entendent à la ronde lorsque les haies de buis et de troènes ont trop poussé.

Et les plum-pies encore chauds refroidissants sur les rebords de fenêtres à petits carreaux, ou guillotines.

Et la vie des petits couples venus aménager s’effrite, enlaidie des rituels quakers, du bruit du réfrigérateur, de l’aspirateur des fins de semaine, des tableaux pendus le coin penché, aux murs fades.

Les pavés à laver, le foulard posé sur les bigoudis de la mise en plis. Quasi cérébrale.

Et aussi le petit déjeuner aux céréales qui tient en forme toute la journée, au goût mielleux et suave ou sec et tendre, à ne pas manquer sous aucun prétexte pour ne point faillir au devoir de travailler.

Pays où tout est permis dans les limites de la règle, du règlement des dettes des rites et des coups de téléphone, où tout est permis, dire tout à Bobby.

Et les petits chiens guettent le soir leur maître, apparu au coin de la villa voisine, le long des troènes où les chats passent leur vie, vieux bonzaï qui clôturent les jardinets bien entretenus et propres.

La petite robe de mai de la troisième fille rentrée du pressing à cheval sur le bras de la tante Alice.

Et le petit dernier qui ne se fait pas attendre.

Bobby…


Jardinet, noyade essentielle

Les chats étaient revenus de leurs frasques le ventre vide, le poil luisant et lisse, la robe fourrée, feutrée parfois, noire et somptueuse, sauvages. Les petits suivaient la queue dressée, affamés, ivres de la promesse de manger enfin.

Le gravier de la cour immobile crissait sous les pattes et les allées venues.

Elle dit : Les chats boivent de l’eau croupie, et s’alita.

Le lendemain, elle vint contempler, debout droite sur ses petits pas, dans sa chemise, l’eau de la petite fontaine cachée sous les lierres et les mousses, couler dans le bassin vert aux poissons rouges.

De temps en temps, un clapotis, un énorme crapaud plongeait, elle inclina la tête au dessus de ce vert, les mains jointes sur sa poitrine.

Les chats mangeaient dans la vaisselle de faïence verte jaune et bleue de la cuisine aux carreaux mosaïque rouge et jaune. Les chats courraient dans tous les sens, mêlaient leur remue-ménage aux réflexions qui revenaient.

Un jeune chat courrait après les papillons.

Sauvage autant qu’elle, un adulte, un chat tigré grimpait sur le mur qui longeait les fenêtres entrouvertes du premier étage, sautait sur le rebord et pénétrait dans les chambres.

Entraient par l’embrasure des battants retenus d’une chaîne, filaient d’autres matous. Elle sentit la peur qui la faisait fuir.

Dans la nuit, la bête venue se réfugier là dans sa chambre faire ses petits la fit se réveiller, elle les trouva dans un nid d’oreillers, de traversins et de draps.

Elle pleura, réunit ses forces, emporta les petits dans son tablier à petits carreaux vichy, noya les chats dans le bassin vert et rond, baissa la tête, au dessus des poissons.

Puis contempla ses mains et partit.

Elle pleurait seule, tremblante, devant la flaque de sang encore chaud.

Elle laissa tomber la lettre de ses mains.

Sur la lettre était écrit d’une main appuyée : Tue-les


L’attente

Mes écrits livrés aux chiens

Mon amour éventré dans ma chair

Mes livres abandonnés aux orties

Ma passion déchiquetée heure après heure

Mes dents plantées dans la gorge du loup ensommeillé

Tranchent, ont cisaillé déjà les tendons du cou, ceux de la peur

Evidées mes terreurs

Tendre enfance bousculée, percutée des coups violents de l’âge précoce, et du temps sans saveur ni fin.

Heurtée des délires adultes, des colères sanglantes

Le chiot battu de ses maîtres

Le chat frappé, châtré, étendu sur le canapé rouge aux motifs désuets de tentures fanées

La fourche de la mort plane, lentement

Sa faux purpurine erre au dessus de mes yeux

Je me laisse bercer dans les civières, autant que dans rivières

Et pense encore au lendemain

Petit homme qui mugit lorsque la bourrasque lessive les contrées, calme tes ardeurs, tes craintes et tes hontes tout au fond de ces yeux-là.

Le vent ronfle et mugit aux coins des portes

L’ouragan entre brutalement, les fenêtres ouvertes détonnent, dans la maison vide.

J’ai pétri de mes mains le sang, la forme de l’enfant furtif et futur, forgé son avenir latent au creux de mes songes

Il est pour moi

N’aura jamais l’heur ni l’audace d’appartenir à autre chose qu’aux valets de l’ordre, aux coups bas des feux ennemis, des inconnus noirs de haine qui ravagent mes répits

Il hurle sa vengeance au fond de mon ventre, il aura sa Raison pour lui

La gueule du loup blessé halète contre mon aine, je me laisse aller au fond de l’eau, me noie, dans un verre bleu.

Je te vois, aussi grand qu’une montagne, si fort si seul que nul ne saurait te livrer aux anges et démons dans le labyrinthe du mal et de la douleur

J’attends ta revanche.

Et qu’elle coule librement au dessus des hommes, un ciel parfait

Petit homme qui ne vient

Jamais

Qui ne naîtra

Non, je ne renoncerai


Rose serpentine

Pour tes vingt ans, je t’offre une fleur, une rose, celle de ta jeunesse, ton engouement pour la vie et tes premiers pas dans notre existence.

Je te tends la main pour un voyage vers les cimes, la traversée des forêts sombres, et des jours de pluie noire, la tendresse de mes regards, j’attends ton rire, ta main au creux des miennes.

Je ne crains pas les faux pas qui sépareront nos soupirs, j’insiste, je ne pardonnerai à qui brisera notre élan, brisera notre lien, et je plaiderai mon désir, tout mon amour si tu t’éloignes de cette confiance qui nous étreint.

Que reste longtemps à l’infini le pardon de nos fautes, si les fautes nous séparent, que reste en nous l’image de la passion, et du désir profond.

J’ai erré toute une vie pour te trouver, si joli, si poli, au fond de ma poitrine, je berce nos élans d’amour et console ta soif de vivre si elle est meurtrie, je t’attendrai de ma chambre aux aurores, pour te faire passer le Styx des promesses, des premiers vœux.

Je t’aiderai, pour toujours si je dois l’avouer.

Cette lettre si folle, brûle la au creuset de ton cœur, déchire la pour que naisse de ses cendres l’émotion du futur, que germent les rêves, un bouquet d’étoiles, que s’étende auprès de moi l’infini, et se pose sur ma main une étoile immortelle.

J’éloignerai de toi le malheur, la séparation atroce de nos esprits désunis, et que naisse cette étoile divine sur ton front qui guidera ma route.

Toute la brutalité du monde anéantie de course folle, de ta jeunesse, de tes rires innocents, des mots d’amour à venir.

Pour toujours tu auras vingt ans, bannis le vide et les craintes d’un futur inexact,

Si tu vis là, tout près de moi.


Fruits de l’été

C’est l’été, le moment où les vieilles mères guettent le ventre plat des filles, observent, épient les premiers signes.

L’heure où il est temps de faire un vœu, de demander la main de la lune au soleil, de prier la terre pour qu’elle soit féconde, de tant prier le vent que le vent de la tourmente s’arrête dans ses élans et tombe net, assouvi.

La main posée sur les hanches des danseuses, les doigts crispés sur les mains des garçons, entre deux danses un rayon de lune pour un rêve illuminé de lumière dorée, et des écorces de citron, apportées sur les ailes des dieux.

.

Une main posée à plat sur le ventre renflé des jeune filles faciles, enceintes jusqu’aux yeux des pépins d’orange amères des après-midi où s’étreignent en silence les couples accordés.

Pour le plaisir de vivre sans rancune encore, pour oublier cette facilité de la terre à abattre les arbres et défigurer les filles.

Pour une odeur de terre fumante humide après les journées torrides moites des buées de l’été, des embruns après l’orage, la chaleur montante parmi les rais de soleil, de lumière névrosée de blancheur ; les chants des cigales entonnent le départ, entêtant, vers le voyage infini de l’adultère, éternel, de l’enfantement, et de l’envie d’aimer.

La sécheresse des mots qui mentent et voilent le désir profond, la frimousse des filles, l’étreinte d’un frémissement nouveau, un frisson de menthe poivrée, au goût intemporel, le choc de la glace au fond des verres, des sirops de citron.

Des corps frissonnent dans la nuit, des princesses nubiles attendent le déluge de feu, le ventre chauffé à blanc des rayons blancs, chauds et délicieux, prêts à la caresse du temps.

Le temps des amours rougies au feu éternel de la passion, des déluges de sang et de tendresse, des ventres brûlants empesés d’une planète rouge de promesses, donnés à la limite de la rupture, sans limite, à la virilité de l’astre.

Saouls des prémisses de la chair, du frémissement de l‘enfant encore au sein, abandonné dans un lit de chair tendre et confiante, les esprits veillent.

Sous les caresses des vents, l’enfant nait ; ennobli des éclairs fracassants des orages, des lumières falotes de feux de bois, sur les places de terre battue, fort du tonnerre des dieux tous puissants.

Sous les marques indélébiles de l’interdit.

La mère, mer géante, contemple le petit être miraculé, la tête appuyé contre les murs de pierre et de torchis du temple, badigeonné d‘argile ocre ; lentement s’affaisse, s’ouvre, souffre, laisse aller son sang et gémit.

Fruit éclaté au soleil de juillet, elle enfante, telle animal en paix, tranquille, les yeux perdus dans la contemplation du sang qui rougit la terre, ombragé des jeux de lumière du jour à travers les palmes.

L’enfant né, trouble éther de vies sanglantes du péché et de l’adultère, s’enchantait de ses petits doigts crispés sur la main de la mère inerte.

Dans le miroitement des mirages, sous les jours changeants des palmiers, tout contre le temple.

L’enfant, joyeux, sourit.


Espagne, vers le large, Nunca

Elle était partie

Elle ne reviendra pas

Humaine chair de rêve qui tremble

Le printemps fut un déluge de fureurs, de feu

De fer, de sang

Au loin, au large, il ne reviendra jamais

Enivrée troglodyte de ses rythmes profonds

Au fond des temples Mayas, baignée de soleil inca, inondée de lumière et de fatigue

Aux lucarnes de nombril nubile

Aux meurtrières sages, au dessus des paniers d’osier chargés d’oranges ombragées de palmes géantes,

Aux jalousies à claire voie de roseaux râpeux, sablés

Si bien fondé le départ de ses noces

Vers le large, le grand esprit serein

Celui de vaincre et d’échanger la peur

Tout au loin de ce gouffre de chaleur, avec la Mort qui attend

Au ventre froid et vide et aux blessures mortelles

Aux cuisantes amertumes

Le peu de temps qui reste

Anesthésiée des assauts répétés de la ville sombre

Aux senteurs de malt, de cannelle et d’épice

Sourd le diaphane chagrin

Alanguie sur le versant nord, elle contemple, meurtrie,

Au profond de la blessure vive, la brûlure du souffre

Et les chardons de la fidélité

Les belles fêtes qui n’ont échappé à l’œil candide

Et le blafard de l’adolescente

Martèlent en empreintes gravées d’acide

Il ne reviendra pas

Passé l’hiver des souvenirs

Plus aucune présence ne sera l’âme de secours

D’une croisade sans fin

Lentement, le nez pincé, inexorable, elle avance

Vers l’horizon gris dans le brouillard salé, attend le tourbillon lourd fatal

Contre un arc liquide qui se forme autour de ses hanches

Atteint la taille

La poitrine bombée d’un envol immense, vif, tenace,

Les bras écartés, frôlant les brumes verticales

Elle marche vers le grand large

Ses pieds ancrés, pourtant légers, dans une nuée de sable

Elle ne reviendra pas

Dans le liquide tiède et moite des jours tombés de l’été

Partis tous deux ensemble

L’un vers le chariot de feu empli des ombres calmes de la vie

L’adolescente frappée à jamais du sceau des dernières chances

Le pari, la mort pour le reflet effacé au fond des ondes mouvantes ou la souffrance

Reflet qui ondule au gré des vagues

Son parfum déjà imprimé au creux du corps

La mort attendait, l’ombre dorée s’évanouit, s’avançant, embrasée,

Embrassée des morsures de l’eau

A jamais


La Côte-Biarritz

Les vieilles odeurs des Eglises m’emplissent les narines

Envahissent les poumons

Humectent chaque fibre, chaque ligament tissulaire

De chaque organe, chaque cellule.

Circulent dans mon sang, circuit cercueil des vies passées.

Sertie des remugles lourds des parfums de la foule, tenaces,

Je me baigne et donne mon corps aux liqueurs

Friandises des humeurs malsaines ; le corps des défunts

Qui de leurs tombes suintent leurs sucs.

Les lymphes au goût de pâtes de fruits des vieux pavillons, de la Côte.

Le toit saumâtre surmonté d’un auvent de bois

Effervescent ; les teintes pâles et diaphanes des murs

Soulignés de cadres de bois blanc ou bien rougeâtres effets de cerclage des lunettes et vitres limpides, lucarnes au dedans noir,

Brouillage des couleurs layette salées, contraste vif des montants vernis.

Menuiseries éclatées ; couleurs de boiseries au mordant de vipère

Pavillons de morts, mort-nés absents, pavillons de la côte, Lido-Biarritz, ou Capri, vieux lardons, jeux fatals, vieux jus d’oranges et d’ananas, de fruits à l’arrière-goût sucré, désuet.

Pâtes de guimauve et bonbons pour la toux.

Oranges confites écœurantes, vipérines.

Cercueils défunts.

Lettres suaves.

Le précieux du corps, os, sang, vie cellulaire, condamné à l’exil

Imbibé des parfums vifs de cakes, kakis blets

Rentrés jusques dans le cerveau, tels flèches et poignards innocents

Fichés sous les os, blessures.

Couleur pâles fondues, couvertures de sucres glacés des pâtisseries offertes rose tendre ou jaune-citron vanillé.

Roses tendres pastel.

Le toit penché jusqu’au déséquilibre du squelette de bois teinté, enchevêtrement étalé en rayonnements des dessous d’auvent, peintures de Vinci, où les tuiles noircies ou devenues brunes, de lichens incrustés, tranchent avec le reste de propreté des murs.

Parvis démesurés aux toitures qui se relèvent, élans englués de sels détergents, desséchants aux embruns maritimes.

Parvis aux toitures infinis.

Lettres suaves volées au cœur, à la poitrine des Dames.

Parvis immenses et larges marches des grands hôtels jaune pâle. Perrons d’hôtels en gâteaux d’anniversaire, grands escaliers qui dévalent des portes d’entrée ombrées, surmontées d’un vantail démesuré.

L’odeur des coquillages et du sable mouillé ancré dans tout pavillon noyé de crachin, sable humide remué qui berce son souffle sur les palmeraies Alizéennes, brulantes larmes plantées en été, poudrées de sel, les saisons passées, cerclées de ficelles sanglées. L’hiver banal grise leurs troncs desséché, lessivé ; atroces moignons déboités.

Odeurs cristallines des naissances émues amères, gommes de sèves émoustillées, sodas pétillants des bébés, sodas, ventres douloureux des naissances, sangs et lymphes purifiées des sels marins âcres, rendus à la plage, sangs éthérés versés dans les caniveaux qui courent à la plage.

Pulsés au plus profond du corps.

Pâtes de fruits confites, confiseries très sucrées, à l’odeur de cerveau cadavérique ou mi-cuit de liqueurs des Grandes Dames de l’océan, éperdues, distribuées une fois pour toutes la tête perdue.

Bonbons anis gommes arabiques faites de moments heureux.

Rêves, rêves purs de vieilles jeunes filles.

Pour un Frantz, quelque part.

Ecumes brunâtres qui dévalent la pente des marées, Océan vagues et eaux déferlantes qui atteignent les villes,

Agiles argiles qui sautent la barrière des rochers noirs

Grisés de patine

Traversent la plage sels, immondices sales, arrosant la place

Eclaboussant le bitume, nouant les jeunes gens, trempés les passants.

Vapeurs dignes des soins hospitaliers rendus bonbons fiévreux et fruits confits, liqueurs alcoolisées qui ne pardonnent pas, au parfum composé de passé, vertiges sans fins sans nom ni échange, vapeurs étouffantes et bourdonnantes, muettes des fins d’été, à bannir de tout lieu.

Jamais je n’irai au-delà de ce temps impossible,

Imposable de tout souvenir.


Mortier

Tabulation zéro, métronome branché

Métro boulot

Envol de pacotille

L’ordinaire de la question

Je joue également

Frappe illégale

Frappe rassurée, égale

Outrepasser le droit ne requiert qu’un peu d’imagination

Outrepasser le droit ne peut être vécu que comme un manque de vie, de médicament et de courtoisie.

Il est vrai que cela paraît peu

Il ne tient qu’à un discourt poli

Le manque d’adresse est le premier symptôme de la maladie

Le restant marque pour la postérité un temps de recul

Il tarderait d’être à point, ils seraient toujours là

A moins de manquer à nos devoirs

Il faut un soupçon d’imaginaire pour propulser un emploi, un plan d’attaque parallèle infaillible aux absolus scientifiques

A témoin sûr, le loqueteux fera deux ans, loqueteux plus sûrement coupable que son complice

La merde se mange en repas froid, intubé

Il fait bon travailler dans l’adultère

Un somnifère

Ors des débats plénipotentiaires et politiques télévisés ou médiatisés, les passions l’emportent sur le consensus.

Pour que rien ne soit audible

Que rien ne soit ajouté à la perfection de rendre au mutisme

Plus rien


La Mite

Elle jeta le paquet vide de riz qui restait au fond de l’étagère du vieux buffet de bois doré, passa la serpillère après avoir balayé les sols de l’appartement, refit entièrement les linos.

Nettoya la baignoire, le lavabo avec les éponges prévues pour cet usage, prit l’éponge bleue et le seau qui servait pour les sols, et refit le WC. Fit le ménage à fenêtres fermées.

Puis elle lava la table avec le produit bleu détartrant, la table de bois vert à carreaux de faïence blanche supportait un tel produit, nettoya le fourneau, passa une éponge sur laquelle elle avait versé un peu d’eau de javel sur le vieux réfrigérateur et sur le dessus du sèche-linge, toujours en panne.

Puis elle se déshabilla, son ménage terminé, suspendit ses vieux vêtements destinés au nettoyage aux patères fixées sur la face intérieure de la porte de la salle de bain, enjamba le rebord de la baignoire luisante, et prit sa seconde douche depuis le début de la matinée.

Sortie de la baignoire sans glisser, elle ramena ses cheveux en arrière, les brossa, se relava les dents.

Après la douche matinale, elle s’était dit que ce serait le jour où elle passerait l’eau de javel, demain, celui du produit bleu qui mousse.

Elle se rendit dans la cuisine, se rappela d’avoir refait l’évier lui aussi à l’eau de javel, d’avoir eu rangé les produits ménagers dans le coffre sous l’évier, le placard en formica blanc aux deux portes larges étaient fermées, prit une casserole, celle, unique ustensile qu’elle possède qui soit digne de ce nom, en émail blanc et crème à l’extérieur, ornée de petites fleurs roses, oranges, à feuille vertes assorties aux décorations du service de maman et papa.

La remplit d’eau, et décida de se faire cuire du riz.

En versant les grains dans la casserole, avec le verre mesureur en verre rose, qui restait toujours à côté de la plaque chauffante.

Elle était tombée dans l’eau du riz avec le reste des grains.

Elle versa l’eau chaude dans l’évier, amassa le riz avec une cuillère à soupe, le jeta dans la poubelle neuve bleue, refit chauffer de l’eau, entama un nouveau paquet de riz, se refit cuire le déjeuner.

Puis téléphona à son père, lui demanda de lui apporter de gros bocaux de confiture, s’il venait lui rendre visite, pour y conserver le riz, les pâtes.

Puis elle alluma une cigarette, et attendit le repas.

Elle mangea, ramassa les assiettes, couverts, la cocotte, les mit dans l’évier, les lava. Après la vaisselle, avec un peu de l’autre produit bleu, elle prit une autre éponge et nettoya l’évier, la table repassa un coup au fourneau.

Puis elle se fit un café. Prit le journal, une cigarette, patienta, puis alluma la cigarette, et l’air songeur, attendit, l’heure des informations.

Enfin, elle se leva, et partit.

Toute sa vie, ce fut ainsi, toute sa vie à venir, ce serait comme cela.

Et la vie qui n’attendait que sa foi, passa.

Telle un être ailé.


Entre-deux guerres, Vietnam

Je reviens de guerre, je vais en guerre

Le front percé, embué d’innocence

La hanche bloquée, raide, ma foi de vivre profanée

Le dos courbé sous les intempéries

Et les mains tremblantes

Le ventre pantelant

J’ai couru sous els déluges de sang le jour et la nuit

Le fusil à la main

Le front bombé des soucis de la nuit, des veilles interminables

Le ventre vide et affamé des siestes craintives

Des soirées sans faim, passées à regarder la flamme des brasiers vaciller dans l’ombre

Les poissons des marécages auront ma dernière vie

J’ai couru à travers les paluds, les cartouches autour de ma taille

Le torse sanglé des munitions, des sacoches de cuir et le casque posé sur mon crâne rasé

Les yeux baissés sur la route à faire

La mentonnière ballante autour de ma bouche desséchée

Le corps dévissé, tel un tendon de coq

Tendu et roide, nerf qui parcourrait toute l’âme

Suante et à moitié étouffée des moiteurs tièdes, de l’humidité des moussons, le dimanche sans aucune âme qui vive, mon regard poursuivait les villages aux dernières battues, les réfugiés hurlaient.

Je levais la tête de temps en temps, pour examiner les croisées des branches et les entrelacs des feuillages, un coup de feu partait, un singe se taisait brusquement, puis tombait des cimes dans un bruit mat.

Dans la forêt, j’ai erré au cœur des échos, et jeté mes dernières cartouches, les dernières boîtes de conserves vides, attendais la fin. Mon liquide cervical s’épanchait dans mes narines, j’ai été touchée. De temps à autre, un singe hurlait.

Une balle dans la tête, une fois de plus. Les nausées suivirent, le nez pincé, je vomissais glaires, baves, salives et sangs, lymphes et eau. L’humidité des marais m’enivrait, m’enlisait dans la vase, s’imbibait des moisissures vénéneuses qui s’incrustaient dans les plaies suintantes, rongeaient jusqu’aux os les chairs lacérées.

Je traversais les paluds, l’eau jusqu’au ventre, à l’orée de la forêt vierge, qui au loin résonnait de cris, vides, d’animaux, et parfois, des bruit des combats.

Mes jambes me tenaient à peine.

Un vendredi, je tombai, épuisée, face à la mer sous les palmiers au tronc penché, sur le sable blanc et fin, sec.

Je dévisageai mon reflet dans la surface limpide d’un bassin aux eaux pures, quand je m’effondrais le visage dans la boue.

Réveillée la face dans la terre, le sable rouge collé aux plaies.

Je divaguais de fièvre.

Plus je parlais, plus la douleur se faisait mordante, lancinante. Attaquait les chairs déchirées.

L’ennemi approchait, je me laissais emporter.

La paix ne fut jamais proclamée.

La guerre fut déclarée, ce serait toujours la guerre.

Je défis discrètement la lanière de cuir qui me servit de garrot…


Peaux de Lapins

Marchand de liberté

Né dans un tissu de lumière, dans un orage des sens

Au cœur d’un tourbillon de rais originels

Sous le ciel froid de la lune rousse

Dans l’éclaircie nimbée d’une nuée de poudre blanche

Né d’une rafale de tramontane

Sous la course des novas éblouissantes

Au creux des foins amassés en meule sombres

Dans un nid de luzerne

Il arpente les chemins caillouteux, hume la tempête au loin,

Siffle l’air de rassemblement des bêtes

Ecrase d’un pied terreux aérien et sûr les fragiles pâquerettes

Noue les lacets aux croisées des chemins

Ecorche les lapins

Un rêve de liberté à la boutonnière

Il dort vaincu de sommeil

Sans femme autre que le soir

Ivre de tendresse dans le fouillis ordonné des chairs végétales

Rêve qu’il marche encore

Et dans sa tête le cours des ruisseaux ivres

Torrents qui dévalent au fond des jambes

Heurtent ses poumons emplis d’eau salée

Il pleure sans larmes

Sa lignée d’Hommes Libres

Mendiant ébloui des violences de la Terre

Il souffle sur les ailes légères des pissenlits

Et explore les cavernes calcaires des causses secrets

Eclaire d’un feu de bois les froids humides et brumeux

Des nuits sans étoiles

Des rendez-vous glacés

Il n’attend sa mie

Au coin des arbres qu’il grave de son canif de nacre

Au fond de la forêt

Il visite les garrigues de son pas certain

Nettoie son fusil, change la pierre du détonateur

Achève les lapins d’un coup sec

Puis il reprend le chemin

Une herbe au coin des lèvres

Et emporté parle vent il pousse son cri fulgurant

Au détour des rues rares et désertes

Des villages dans la bruine

Battus par les bourrasques

Marchand de peaux de lapins…


La boîte, zoo humain

Un balayeur poussait distraitement de son balai un tas de boîtes de conserves vides, dans une cage aux barreaux tordus, et litières en désordre.

Il y avait de la paille pulvérisée partout.

Nonchalamment, il balança un coup de pied dans la dernière boîte, une boîte de singe, qu’il envoya d’un tir précis s’encastrer dans le tas de conserves.

Des boîtes pareilles, tout le personnel dans le zoo s’en envoyait dans le gosier et s’en régalait.

Un soir de Noël, dans un triste zoo, le gardien, épris de bonté et de facilité, jeta une boîte de conserve pleine dans la cage d’un couple uni de chimpanzés. Ou bonobos.

Les heureux « parents » intrigués de la présence de ce nouveau « bébé », ne savaient comment ni quoi faire de ce nouveau venu, ne savaient pas non plus ce qu’il y avait à l’intérieur.

Quand le couple eu réussi à ouvrir la dite boîte à grand renfort de oups de poings, de pieds, de jets de pierres et de coups de cailloux, après avoir eu apprécié l’usage de l’ouvre-boîte (il en traînait toujours un dans la cage), ce n’était pas exactement ce qu’ils souhaitaient, ni attendaient.

Ils jetèrent contenu aux ordures, hurlèrent tout ce qu’ils purent, ils accusèrent. Ils auraient peut-être préféré une boîte de saucisses.

Ils firent appel à l’aide de leur gardien, qui ne pu pallier au manque de satisfaction ni d’affection du couple envers ce nouvel objet, ni leur trouver une autre boîte. Et un autre ouvre-boîte.

D’un côté comme de l’autre, ils ne pensaient qu’à bourrer l’objet de coups de pieds, lui ficher dedans pour faire un carton, à chacun des retours de cuisine du gardien, qui la leur reprenait pour la leur remplir, il ne la leur changeait que bien dégoutante.

Les chimpanzés la secouaient un rien, dès qu’ils avaient un peu faim, savaient que quelque chose en sortait inévitablement à chaque coup, parfois, ce qu’ils y mettaient, elle leur servait immanquablement de vide-poches, parfois, ils passaient des quarts d’heures à décoller ce qui était resté collé au fond et remontait à chaque tape.

Ils boudèrent, une fois la boîte de conserve décidément vide, crièrent après, la secouèrent, pour vérifier s’il n’y restait quelque chose.

Ils lui crièrent encore après avec acharnement.

Le dresseur alors la leur reprit, leur dit : Alors, elle ne vous plait pas, cette boîte ?

Il la ramena aux cuisines, la remplit en huit minutes avec une autre pâtée, y ajouta quelques pilules, la leur remit au bout d’un certain temps, et attendit.

L’on ne revit plus les singes.

La boîte, c’était Elle.

Une boîte de Singe.


Des gens en silence, troglodytes

Des gens endormis, en silence, regardent défiler leurs rêves, les yeux humides de tant de joie, yeux qui roulent dans les orbites, telles planètes serties et mobiles, qui suivent à ciel ouvert leur révolution dans leur monde.

Feu qui porte la flamme.

Au creux des maisons, de terre rouge, contre le chien qui sommeille, les feux mourants dans les cheminées lèchent doucement les briques brûlantes, s’évaporent en buées blanches autour des lessives, imprègnent chaque pas, chaque horloge, chaque pouce d’existence.

Carlines fixées aux portes, refermées sur un univers clos, goûters d’ailleurs pris sur un coin de table, tartines de confitures aux fruits rouges, grands bols de café au lait, goûters sauvages de baies sucrées, mûres myrtilles et arbouses, cueillies à même les arbres, les ronces.

Les chats descendus des tuiles au réveil de la torpeur matinale, hument les grandes bassines où frémissent depuis la veille les confitures, magma essentiel, de pastèques jaunes et translucides, abricots et guignes, figues superbes entières déposées au fond des pots, entre les coulées liquides de sirops translucides et mielleux, légèrement citronnés.

Les abeilles, les guêpes de l’été cherchent encore le goût du sucre, tournent autour des bassines vidées.

Sous les édredons de plume, à l’orée de septembre, les petits font la sieste, le pouce rivé dans la bouche, remuent faiblement, siestes pleines de songes amis, cuivrés, aimés, qui traînent jusques dans les soirées, tard, après que les rideaux à rayures rouges bleues et vertes auront été relevés

Les lèvres encore humides du petit lait de la dernière tétée, ils rêvent qu’ils tètent, ils respirent.

Le chien sort pour pisser un coup, tiré de sa paix profonde par quelque aboiement, passe un coup de langue aux fesses du chat, trotte innocemment quelques mètres, lève un regard amoureux au ciel sans lune, jappe à ce bleu sourd et rentre déçu.

Dimanches endormis…


Un enfant à naître, lettre à un dieu

Je me laisse porter et pénétrer par la pluie

J’ai peur que la foudre ne m’emporte

Attend qu’elle vienne me frapper de ses palpes aigues

Monstre presque sacré qui me cherche sous les branches des arbres

Je regarde l’alliance en or des passants

Qui les protège contre ce mal

Et reprends ma route, ma lente marche contre le vent fou

Les portes qui claquent, les fenêtres librement laissées béantes aux rafales

Les pas me guident vers un refuge que je ne connais pas

Peut-être un inconnu, peut-être le hasard

Je poursuis ma course, parmi les cris des enfants surpris par l’orage

Et les cris de jeunes femmes qui s’amusent de leur peur

La foudre m’attend, elle aussi. Eclate comme la guerre au dessus de ma tête, près de mes épaules voutées sous les trombes, ses fines ramifications brûlent quelques mèches de mes cheveux plaqués contre mon visage, pendant le long du cou, ruisselant dans le revers de mon pull-over.

Elle suit, attirée par le mouvement de la marche, par l’appel d’air de mon avancée, telle animal rodeur et furtif, un Dieu Maître la rappelle à l’ordre, laisse la passer, dit-il…

Qui m’épie et me juge, questionne ma journée, sphinx éternel, pour décider de ma vie et du droit de jeunesse, de passage, qui l’accompagne, s’éloigne.

Au juge qui sonde ma bonté et mon droit de vivre, à celui qui décide si je dois mourir ou d’un seul coup, des rayons bleus qui foudroient,

A celui qui veut que je tombe net sur place, Dieu à gages et lois qui juge si le moment est bon pour moi de quitter la Terre brutalement sans avoir le droit d‘y être préparée, sans anesthésie, qui a le droit de me voir disparaître de sa main subitement et de l’ordonner, et le droit de tuer sans que je me voie décéder, sans que j‘aie eu le temps de rendre l’habitude de me dire : Demain, je serai morte…

A ce Dieu, je demande qu’il s’éloigne, Dieu puissant, va-t-en, Mort rodeuse…

Ne touche plus à cet enfant que tu commençais à lécher,

Que je couve peut-être et nourris du lait de mes efforts, du fruit du labeur et des étincelles de ma sérénité,

Va, et ne reviens pas, ne reviens jamais.

Toi, Orage, Chien galeux et Dieu mortel, je ne t-en prie, épargne-le, épargne moi, sauve-nous, sauve-le, cet enfant qui ne naîtra certainement jamais.

La paix m’envahit de ne point t’entendre. Va.

Revenue sous mon toit, dégoulinante d’eau à pleins seaux, et de senteurs mouillées, sentant la pluie, les feuilles mortes détrempées, el goudron détrempé ramenant d’un geste rapide mes cheveux lessivés, je m’ébroue, enlève de mes épaules rouillées l’imperméable devenu lourd, regarde tomber cette eau du ciel, pesante, derrière la vitre de la grande baie.

Ris tout bas d’avoir échappé à la fin.

D’être là encore, et de la traîtrise que j’ai eu, d’avoir déjoué les pièges de l’orage, de la déesse de la Pluie et du Ciel qui foudroie, amadoué.

L’enfant n’est pas.

Ne sera. Errata.

Si j’ai défié les lois éternelles, Déesse de la fécondité,

C’est que tu m’as joué un tour, et une fois de plus.

Je ne te le pardonne pas.

Je ne te le pardonnerai jamais plus.

Et tu m’emporteras dans ton apocalypse avec mon mystère.

Après le Dernier des Jugements, de tes Hommes.

L’enfant s’est blessé à se laisser séduire par ton éblouissante clarté, il a voulu suivre le chemin que tu empruntes pour atteindre la Terre, et remontant vers ce ciel, il a quitté mon esprit, s’est évanoui dans la douleur, le ciel a éclaté dans mon ventre, le soleil fulgurant de ses joues a frôlé ma paix,

Adieu à jamais.

Né dans un éclair de fin du Monde, tu n’existeras pas sinon dans mon âme, et roderas toi aussi, à ma recherche, pour me trouver un jour si vit en toi l’étoile qui te protégeait, sinon, tu me trouveras éteinte. Sans étreinte.

Ce jour là, tu auras défié les pouvoirs sacrés qui règnent sur le Monde, et sur mon ventre, tu chasseras la main qui éteignait mes promesses, celles fécondes, de l’amant disparu. Mais, ce sera trop tard

Tes visages dans mes mains dorment au fond de mon sein, sans nom ni Père, tu protèges ce jour de ma jeunesse dans la foudre. Tu as péri toi aussi.

Prince seul et unique.

Malgré toutes les luttes de ce monde, hélas, tu ne vivras.


Un ciel de sang pour lui

Elle leva un regard vers le ciel et dit : Mon Dieu, il va pleuvoir.

Elle défit la laisse du chien, et le laissa filer, puis le siffla.

Au lieu même des rendez-vous amoureux, elle flânait, le cœur épris, rasant le muret de pierres sèches de sa robe offerte ; doucement pleurait, faible sur ses pieds, elle vacillait.

Les larmes goutte à goutte tombaient sur ses souliers vernis.

Puis la rancœur la prenant, elle plaidait : j’ai eu faim, de lui, comme un leurre aigu qui vous suit, impérissable, que rien ne peut remplacer.

Elle marchait vers la plaine, où les arbres se noient dans l’eau, dignes peupliers centenaires aux feuilles larges, aussi grandes que la main.

Plaine où les talus des fossés croulant sous les herbes grasses, les scolopendres penchées en franges épaisses par-dessus els ruisseaux aux eaux noires. Près du moulin, délaissé depuis des années, mais toujours là.

Alertés par les cris, les gens des jardinets voisins accouraient, dégageaient l’arbre de la route, qui était tombé dans un éclair, le tronc fracassé ; il était tombé d’un coup, éparpillant se branches molles.

Dans un coin du jardin soigné, quelques pastèques mûrissaient, fermes et jaunes, ou émeraude, veinées de couleur plus claire, marbrées de vie. Melons d’été, melons d’eau, juin fou qui revenait, retenait l’existence.

Des grillons grésillaient sous les pierres plates, entre les cailloux de quartz et les herbes desséchées. Elle les poursuivait d’une brindille, s’amusait les voir fuir, s’enivrait de leur chant, de leur peur, chant lancinant jusques au soir, lorsque les attentes amoureuses s’effilochent sur un flirt, dans les affres de l’impatience, les mains sous la chemise ; les torses enlacés s’envolaient d’une chamade unique, torride, terrible.

Les voiles de toile écrue à rayures jaunes et vertes aux fenêtres se soulevaient, enflés des courants d’air frais. Les sauterelles bruissaient, le soleil étourdissait les sens. Les femmes au lit gémissaient, une odeur fade de sang frais parfois montait aux narines, le plaisir et la douleur de la naissance confondus.

Rappel des vieilles décennies, le sang coulait, fier et fou du ressac, du réseau fin, serré, qu’il habite.

Les dernières pêches se saturaient de sève dans le miel des arbres, rappel que le temps est passé, que la saison commence et se termine, temps sans heure ponctué des douleurs et de l’odeur douceâtre des sangs, au zénith de l’âge, arrêté pour quelques secondes.

Les hommes, le soir, revenaient la bêche sur l’épaule, la casquette en arrière, éblouis des repas de midi sous l’ombre des figuiers, émus et languides des trilles des rossignols, transis encore de l’eau des puits, chavirés de savoir leurs femmes revenues du marché, le ventre net et plat, trempé dans de l’acier.

Les femmes, rentrées depuis longtemps, les hélaient pour le dîner, les hommes remontaient la rue qui mène à la place, en horde, ciraient encore, leur clameur qui pétrifiait les jeunes filles s’évanouissant dans leur chambre.

Eté maudit, des garçons mourraient en silence au cœur des bocages, l’arme au bras.

Les femmes sentaient le sang, retenaient leur respiration, pleuraient, éteignaient les bougies, les chandelles, mettaient du papier journal aux fenêtres, la guerre avait commencé. La plaine entière frémissait.

Eté fou, fol amour à jamais saisi des froideurs de l’absence, à jamais enfermé dans le monde clos de l’attente, des siestes amères, à jamais perdues.

Quiet amour sur lequel se referment les pans croisés des cache-cœur.

Peupliers jaunâtres, qui frissonnent en silence, halètent au gr du petit vent mol ; terre infinie…

Hémorragie de chair esclave.

Une âme sereine

Il vit comme un cheval au galop lancé dans sa course.

Une foule qui murmure, un ciel qui s’ouvre sur lamer et la vie des âmes, un océan rouge dans un ventre, une peau brune qui rougit et blêmit en silence. Le centre de l’univers posé sur un coin de terre, une chair que rien ne rive à la vie.

Et son existence, fragile come une île qui flotte au dessus du temps, et qui ivre de pluie, de rêve, s’éloigne doucement vers une ouverture de ciel, de l’autre côté de la terre.

Et à nouveau le printemps fleurit sur les joues des malheureuses et à nouveau les amants s’embrassent, les rêves pastels de matelots noyés s’évaporent dans les eaux tourmentées d’une mer de glace.

Tranquille, hiver sous la neige, le front embué des vapeurs de son âge, il marche autour de la planète, esthète que rien n’arrête plus, que rien ne défigure, balance son visage vers des maisons de pierre ; le vent ride les sable des dunes, joue avec le ruban bleu d’eau de larmes des jeunes hommes qui réunis le soir enfantent le monde.

Jamais le sang des homme, fou, n’aura eu plus peur que ce dimanche, où l’honneur grandissant des continents se diluait dans les couleurs des palettes, celles des terrasses de café où somnolaient les peintres d’ordinaire, gris du petit vin blanc, des verres d’absinthe, calmes autant qu’orage qui sourd, gronde calmement et attend la nuit.

Ivres de sens et butés plus que des ânes, âmes volages et volontiers burlesques, les jeunes hommes rentrent le soir éméchés, saouls de tendresse commune, prévenus de ne manquer de rien.

Sous la contrainte des plaidoyers, lutteurs de foire des amoureuses, il va, au loin, tremble dans le froid et le givre, rentre sous la pluie et les bourrasques, revit près du feu de bois les folies des dames et les drames des hommes, les soirées passées à étreindre et étrenner un nouveau bijou, entre les cuisses des voleuses.

Pleure de joie à l’idée de retrouver sa belle, se refait une santé de la charité de quelques vieilles dames, dans le couvert mis sur la table, il mange, dans la paix des masures, le plat de fayots ou de fèves qu’une grand-mère aimante aura laissé pour lui.

Le mendiant aura toujours raison.

Sans feu ni loi.


Leurre ami, muse tranquille

Quand la faim de te revoir me brûle le ventre,

Et que j’écris mes souvenirs sur les notes d’un amour défunt,

J’imagine ta flamme superbe,

Et vis sous le regard de tes envies indifférentes,

L’ébriété d’un alcool impalpable.

J’ai salué les tiens et pris ta main dans les miennes,

J’ai pleuré d’outre-tombe le départ qui a tué mon innocence,

Mes espoirs, ma liberté et qui habite mes insomnies

D’un ennui irréparable.

Je te veux muet si jamais une seule fois, le jour de tes yeux sous ta mèche de cheveux blonds, me guettent au détour d’une rue, si tu furètes dans tes pensées autour de ma chambre, à la recherche de quelque chimère, et inquiète, je surgirai, emportée d’un élan invisible, pour embrasser cette bouche qui me juge, gouter ce parfum d’inconnu.

Je devine que ta peine aura été de courte durée si peine un tant soi peu il y eu, qu’évalué le prodige d’une conquête, ma trace restera irréelle, évanouie dans le sillon d’écume d’une séparation, irréversible.

Douloureuse, certes, mais au combien chaste, hideuse.

Imbibée du vin du devoir et de l’abstinence, de l’étourdissement céleste volé à une armée de hors la loi, dans une envolée d’espoir, je traîne, sirène qui se noie dans sa nudité perplexe, que personne ne peut voir.

J’écris en paix quelques mots en filigrane, sur le verseau de mes contes, où je t’oublie.

A jamais.

Plus que tout, ni même pour un adieu, je ne donnerai mon corps à une âme, ni ne livrerai ma sève avec autant de force, à cette puissance d’écriture si vivace, dans la pulpe des siestes, dans le venin des rancœurs, pour toujours leurrée d’une absence.

Vide.

Lueurs

Années bleues


Lueur bleue

Dans cette ville où la vie lutte contre le sommeil, où la terre tremble d’un mot,

J’allonge mes phrases sur le papier

Et lutte encore contre la nuit

Ma tête dodeline penchée sur le papier,

Je souris sans m’en rendre compte

Les fleuves nourris des souffles de la mer,

Les feux de joie qui embaument la chambre

Les mots doux couverts que je brûle en moi pour l’être cher

Les strophes sans limites que j’ai jetées sur les pages et carnets s’envolent en nuées,

S’alignent tels ceps de vignes et arbres dans un champ d’épines suaves.

Laissent dans la bouche un goût amer, sucré.

Je travaille sans y penser, sans penser à ma chair seule et solide,

Sans relâche, sans une tendresse superflue ;

Et remâche sans cœur au cœur du drame

Les longs pleurs, les larmes que je verse sans penser à rien.

Doucement la nuit s’en va.

Je relève, le jour déjà se montre au coin de la baie vitrée ;

A la pointe du jour, à la pointe du petit matin, je me tais,

Je me fais chauffer un café,

M’intoxique de sa saveur maligne

Et tombe inerte assoupie sur le lit.

Une longue journée se prépare

Je dédicace mes longues heures de sommeil à la lune

Qui s’évapore encore et me touche de loin de sa plume

Son rayon calme ravit mes nuits au silence,

La torpeur de sa lumière vaporeuse, pulpeuse m’éveille d’un songe lourd

Et me prend au jeu de dormir, joue dans mes cheveux.

Vient telle la venue d’une mère calmer son mal intérieur,

Seule et véritable mère.

Tout le jour, j’irai en rêvant à ce moment futile,

Où je lisais, comme par-dessus mon épaule,

Les textes des secrets que je mets en page.

J’écoute la lueur blême des nuances,

Et clôture l’univers bleu du poème d’un point

Final.

Je travaille sans y penser, plutôt que m’abandonner

Au délice des affres, à la plénitude de l’ardeur,

Je sens les heures s’égrener sous ma plume,

Et relie patiemment les dernières amours qui ont fui

Les révolutions de la souffrance.

Dans la chair pâle du matin, en attendant que s’éveillent les autres,

Je palis de fatigue, cherche encore quelques bribes

Polies quelque poème qui n’en finit pas,

Trempe dans le café ma plume fatiguée,

Et me nourris de mots, de quelques miettes de cake aux fruits confits,

Cherche le réveil enfin,

Pour que meure cette nuit interminable,

Immortelle.


Déesses arides

Toi

Toi ? Père de mes soucis

Toi ! Voleur de mes rêves d’enfant

Toi… chef de ta horde, sauvage et dur

Et moi.

Toi - dieu d’un Parthénon invisible

Toi – cithare des Déesses arides

Toi immuable, et moi, si terrestre que tu n’arrives à me cerner toute entière, globe immobile, inaccessible, changeant.

Toi.

Et moi.

Si belle fuite ne méritait que l’oubli.

Tant, autant de promesses si vives pour un éphèbe qui s’ennuie, j’aurais rêvé une fin plus suprême.

Toi, si léger qu’une plume ne saurait te perdre.

Toi, et moi, si vile chair qu’aucun ne pourrait choisir,

Toi, et mon reflet dans le miroir, d’une fenêtre ouverte, sur un jardin indélébile.

Impérissable.

Toi.

Pour plus rien au monde.


Les ratons, et les semeuses de la ville

Ils arrivent, avec leur bouche pleine de zan, réglisse à quatre sous, réglisse à la violette, résine qui s’accroche aux dents des portiers de la ville.

Ils arrivent, avec leur grand ait farot, fat et farci de l’odeur de leurs résidus, de ceux de leurs derniers repas, la bouche pleine de dents, leur air las de faire tomber les colonnes de marbre de la ville, leur front en fronton de temple grec ou païen, et la nourriture entre les gencives, qu’ils crachent en leur parlant sur les prisonniers de leur corps, ils arrivent, les clients des médecins de ce monde. Et les matons attenants qu’ils destinent à leurs enfants, aux enfants de la patrie en principe.

Avec leur bouche pleine de rangs et de soupe, ils avancent, l’abcès de fixation triomphal, les deux ronds en poche, les poings serrés de haine secrète, ils reviennent, les pieds dans leurs chaussures, sur leur plancher des vaches, sanglés dans leur veste en peau de vache, ou leur blouson de footballeur, ils suffoquent de rester à l’air libre de leurs vieux jours, viennent respirer et voler celui de leurs esclaves, celui de leurs morts, sans dimanche de paix possible, sans dimanche d’absence, et leurs veines pleines de sang.

Ascèse catatonique que de les voir marcher à grands pas ou à reculons tant ils pipent au fût et rotent gras, le ventre en avant et les jambes gourdes de vieille bouffe et de cul, le cul serré et la veine dilatée, les bras lourds de rixes vécues dans les fantasmes cauchemardesques de leurs nuits de revanches hitlériennes, le buste pris dans leur chemise noire et leur art du coup de poing par la poire, pour leur art de plaire à leurs amis et puis aux morts, et les merdeuses mordeuses de viande, morveuses à compter les enfants dans leur lit, vipères venimeuses dresseuses d’enfants et de fauves, qu’elles ne blessent ni n’assassinent, enfants autant qu’autant d’ennemis à dompter qu’ils ont envers et contre tous, enfants qu’ils domptent à les faire tomber et de haut, derniers nés de pacotille restés niais, nourrissons paisibles qu’ils jurent ramener à leur entendement et qu’ils meurtrissent pour d’après eux la paix d’autrui.

Ils arrivent…


Un jour comme cela

J’ai cassé le cendrier de terre cuite que j’avais fait

Brisé le vase d’argile verte que j’avais patiemment confectionné

Puis ramassé un à un les morceaux

Essuyé les traces de cendres, enlevé chaque mégot

Balayé les éclats d’émail qui semaient le sol

Et diné d’une boîte de sardines, sur coin de table.

Bousculé le chat, qui se réfugiait dans la chambre

Oublié de lui laver ses assiettes

De changer l’eau de son bol

Lui ai servi sa pâtée dans une assiette sale

Grincheux, le sourcil froncé, il la dédaigne

Alla droit se recoucher, vexé, sur son panier

Engueulé mes parents

Saisi le téléphone et vitupéré contre ce jour maudit

Marché sur les pantoufles de velours bleu déposées en croix sur la moquette marine,

Jonchée de poils de chat, de menus débris.

Déambulé parmi les meubles couverts de poussière depuis longtemps

Laissé ouvert mon lit pendant des heures, sans jamais penser à le faire,

Contemplais les draps repoussés, la couette pisseuse

Et fait crever mes plantes de soif, ma misère dans son vase

Bu dans un verre malpropre, posé là.

Puis ai écrit, entre les cendres éparpillées sur la planche de mon bureau, noire de crasse, entre les feuilles de papier glissant d’une pile hétéroclite de dossiers et classeurs entassés

Avalé sans y penser la moitié de mon café, pas assez sucré

Une tartine de pâte de chocolat tartinée une vieille biscote qui traînait, sur le buffet

Et le dernier morceau de fromage de chèvre, à moitié fait

Râlé contre cette heure fatidique où je dois tout quitter pour nettoyer du mieux possible cette fange atroce qui suit les mauvais réveils

Humé cette odeur lourde du miel de la nuit, qui flottait par ci par là

Marché sur les sols sales et couverts de poussière, de papiers cellophanes et aluminium des paquets de cigarettes que j’ouvrais sans y pendre garde

Sur les cendres tombées là par hasard.

La pile linge à laver, qui attend dans son sac, s’épanche sur le sol depuis le début de la semaine.

Je considérai les vitres aux ombres accusatrices

Les rideaux raides de nicotine et de graillon qui pendouillent misérablement des tringles d’aluminium aux cordons noirs de crasse, coincés.

Le freezer du réfrigérateur vide, à dégivrer

La salle de bain, à refaire, la baignoire et ses traces de savon

Le lavabo à détartrer, où s’accrochaient les gouttes d’eau du robinet qui gouttait

L’évier rempli de vaisselle à laver

La table du petit déjeuner, pleine et surchargées de vaisselle, de tasses sales, noircie de poudre de café, de taches huileuses et de miettes de pain, ou de pommes de terre.

Et m’en référais au fond de produit nettoyant qui me restait

Puis m’assis dans un coin près du téléviseur couvert de poussière collante

Et le front bas, l’air coléreux, j’attendais le baiser sur le duvet de la tempe aux rares cheveux

Fumais nerveusement la moitié de son dernier paquet de cigarettes, pris mon inspiration

Et commençai, roide, ma journée.

L’hiver venait juste de commencer.


In satanis alba

Elle traversa d’un trait d’ange perdu le ciel tombé sur l’eau

Se noya longtemps dans ce bleu chuté dans le lac

Et tomba encore sous l’éclair qui tue

Se relaya et repartit dans la droiture de son chemin retrouvé

Après l’absence

Au loin des arbres fauchés par le vent et la neige

Au loin des abîmes de la pauvreté spirituelle

Et dessina, à ses pieds, dans la glace fondue,

Un trait de sang qui perlait à son poignet

Puis un cercle et enfin une croix qui ne voulait rien dire

Elle découvrit le secret de la lumière diabolique des sens et de la fierté,

L’essence même de tout même funeste,

Du secret de la vie

Ne te laisse pas abattre lui chuchotaient aux oreilles blêmes les amis revenus

Ne te perds pas dans ton propre corps, ne le prends pas pour (le) tien

Ni ne penses pour un bienfait, les erreurs seront lourdes à supporter, le jour où les taons de l’église des mœurs refroidiront les chairs pâmées des belles infidèles au discours du maître.

Ils cheminèrent, tous ensemble, un moment, tous habités par leur visite auprès du grabat de l’alitée, se passant de bouche en bouche, comme sucreries démentes, le bouche à bouche des mots de l’agonie, de la fin de ce travail dernier à ne pas disparaître ;

L’éther de sa poursuite flirtait avec la blancheur impeccable des draps lavés, purs de toute souillure sereine.

L’éther de la fraternité, l’élan parasite de la vie à deux s’allumait aux alcools brûlants des flacons de la médecine.

Elle vibra d’un dernier soupir de survie.

Se releva, poursuivit dans ses loques la ligne de vie dernière telle qu’elle était inscrite dans le creux de sa main.

Elle était île déserte, lui, son palmier las de l’attendre, dense absence jamais au rendez-vous, reviens, à jamais à l’hypocrisie des comptes rendus et ne t’aide pas à laver le sang perdu, ne t’attarde pas à secouer les tentations de la vie. Chant des sirènes autour de sa tête, elle s’évanouit dans un lent sommeil sans retour ni rêves.

Liberté absente, reviens… Résonnent les cloches de la fin.

Elle était à la fin du voyage des affres interminables, des silences, quel sera son ami, quelle lumière, trouble, trouver à l’orée de ce tunnel sans limites…

Elle repartit à sa recherche, dans la quête du silence fatal et vrai, vrillent des mots tus, de la chaleur à boire les soirs d’hiver, de l’espoir ultime, celui de l’espèce humaine.

Elle leva au ciel ses yeux fatigués de promesses hâtives, de reconnaissance amère envers l’injustice, celle aussi du décès, fouillant dans le ciel l’image d’une étoile qui lui aurait plu, et qui ne venait pas, originelle de l’absence qui défiait son destin, à laquelle elle n’avait jamais cru.

In virtus satanem fecis


Ami, Cher ami,

Le sable amollissait les formes aigües des pierres fines

Les dalles lézardées des chemins qui mènent aux mines, des dalles lézardées centenaires vrillées de veines bleutées, où poussent les mousses velues durant les moussons d’automne, passés les anciens déluges.

Il n’était que personne, il n’était pas semblable à tous es chrétiens, ni au monde conventionnel des terriens, aux autres hommes en général.

Il était de retour sur la ville.

Et ce n’était que le devoir de rester serein sous le soleil de la planète, un œillet pris entre deux pages de livre, se desséchait minablement ; pages d’un annuaire trouvé aux ordures municipales.

Ce n‘était que le sable de l’enfer, qui expurgeait toutes les fautes des humains, il souffrait en silence cette mort des sens, des sons, quand il, lui, le sable, recouvre le sens des origines, et qu’est devenu blanc l’amoncellement d’os, qu’est vécue immortellement la vie, la mort aussi.

Dans un mirage qui équivaut à la pluie.

Des villes que dévastaient les orages.

Quand les arbres avancent inexorablement, ignorants de la mort qui les attend au bout de leur vie végétale, quand le sable avance sans qu’aucune main humaine n’ait à limiter les désastres, ni endigue des débordements irrépressibles de fœhns et de sables en retombées de boues rouges.

Inexorablement aussi s’épanche la nuit dans les fins de jour funestes.

Et s’évapore des villes le temps de vivre ou les structures étagées des bocages, s’inclinent dans ce paysage au couteau des quartiers déterminés, des limitations aux débordements de la nature, tant abondante est la verdure.

Des piquets électriques qui contre les arbres imbibaient leur présence des sels des citées, tombaient parfois sous les crimes d’une ligne à haute tension, l’arbre calciné lors des coups de foudre, que cela soit du boulanger, du bulldozer ou du peintre en bâtiment, l’effet était le même.

Maisons diaboliques qu’étaient les quartiers et propriétés protégées, s’amoncelant en deçà du territoire municipal, les places étant chères dans ce pays.

Et que sombre l’arche de leur jour de naissance, parasites de la nature et des biens, des hommes, prisonniers minables des immeubles attenants, les piquets téléphoniques remplaçaient les arbres et l’esprit du bien, le mari auprès de la femme prête parfois à accoucher, à mettre un enfant au monde malgré les mendiants aux escarcelles vides, qui fréquentaient leur idée.

Peur blanche des dimanches ou sonne le tocsin, qui gélifie les réveils au gout de sucre, maquent les jours et ponctuent les jeunes, les heures, les minutes qui s’écoulent sous l’affirmation des quarts d’heures, de la nuit jusqu’à la fin, les longs coups de cloches.

Des verres de vin habituels.

Quand pesait l’ombre d’une famille, les sages se réunissaient autour du figuier de la place, collé à la fontaine municipale, devisaient le noir ou la pourpre, la mutinerie ou le néant absolu du sang versé.

Querelles d’agriculteurs qui rêvent tard la nuit d’hausser le son, et que la torture de la faim au ventre assoupissait avant les départs en fourgonnettes, quitte à se laisser raccompagner dans leurs camps retranchés.

Demi-sons dans la caisse de résonnance des places vides de villages.

Dans une poignée de sel s’envolait la furie des queues d’attente, files interminables des victimes de pénuries.

L’âme intruse à la trahison dans l’âme des pulsions sauvages, au fond des cœurs, étoile des larmes perdues dans le fin-fond de l’ignorance.

Image unie ternie à l’usage, ma vie et ton amour en suspend, dans une poignée serrée de sables désertiques, un regard posé entre le monde, une terre et ses complices.

L’âme intérieure souillée à jamais du grand deuil national, plus les ploiements d’échine ne devaient que satisfaire, plus la rébellion semait la honte de la guerre, le retour de houle, puis le retour au boulot.

Pulsations cardiaques et viscérales qui sauvages étaient plus fortes que le désir et la mort, que le désir de mort, la mort, quand la nuit elle guette, l’isolé, le reclus, l’incarcération faisant rage que nul ne veut imaginer, parce qu’il l’inflige à autrui, quand tous devraient définir le devoir de cet avenir sur les mêmes rails que les traditions humaines que la France exige, et quand elle les définit sur les rails des traditions fustigatrices, arriérées, de tout un monde qui l’exige.
La France a survécu, la mort dans l’âme.

Dans l’idée intérieure, des pulsions aussi parasites que l’œil du tigre, au fond du cœur, bat le tamtam de guerre.

La nuit, était la nuit proche, où celle qui lit dans la nuit et dans l’eau des puits, guette le mal, trahie.

Je testais le poison déposé dans mon verre d ‘eau, ne sachant que faire, ni vivre ni mourir.

Je testais aussi les poisons des tentures, l’étouffement des respirations, saccagées de propos tenaces et irrités, où l’antre de la vie aspire l’air jusqu’au coma presque et la mort apparente pour qui s’y oublie, victimes chéries des pertes de vocabulaires, des chutes de tensions variables, dans les débats télévisés. Hyperventilation.

Je poussais le refrain des chansons de mai, des airs à la mode délégués des muets sous la torture, qui penseraient bien à la place de leur représentant, mais n’osent plus penser, criblés, de dettes aussi à ne point pouvoir conserver ni garder le droit à la parole. Ils en étaient les gardiens.

Un pas sur le sol et la pierre, à des dimensions fuyantes, la mort léchant les dernières terres, la mort à ses dernières heures prochaines n’étant pas tout à fait accordée mais infligée tout de même, je sentais les barkhanes au loin, dans le désert de sable et de cristaux, je sentais s’envoler la dernière pierre et la suée des hommes morts qui croyaient que rien ne s’était passé sur terre ni n’était pressé sauf leur Dieu, que le passé était toujours absent, un caillou absent sur le chemin, qui avait tant fait verser de sang, ou trop présent pour les sacrifices sur la croix d’honneur ; tu feras honte au mâle.

Refrain du délégué syndiqué qui repeint la girafe pour qu’on la différencie des moutons, ou des lions de la brousse, la brousse est à deux pas, de l’asile. Il suffit d’un voyage en train, en trait de pierre pour connaître l’exil, la peur du vide que domine la faune d’Afrique ou de pays insolites, il en existe encore, tant les nouvelles qu’envoie l’homme quand il s’ennuie sont celles de l’Homme d’Occident, elles semblent l’apaiser. Tant les nouvelles qu’il perçoit de l’Afrique semblent le calmer, de sa frénésie. Et il oublie.

Et rien, aucune écriture ne semblait précisément le calmer, l’apaiser, de sa présence ni de sa présidence, j’étais à deux pas du désert sans larmes, sans armes, du désert pur, tout court, arme à la main ou pas, celui qui s’y perd y meurt.

Ils l’auront élu président.

Et mon écriture invisible, illisible au point de créer des ennuis au niveau de la vue et même des zones de la vision, avec le SAMU aussi, n’intéressait que les allées et venues de ces dits SAMU, capables de vous faire tomber sous la foudre de leurs réflexions satyriques ou mystiques sans génuflexions au moins, résolument engagées.

Je sentais le coup de sang venir, la lymphe s’amonceler en épanchement, je devisais tranquillement, ils m’auront réopérée, quand ils l’ont élu président.

Mon cahier des charges s’alourdissait mort parmi les sables de la pièce, écuries d’Augias invisibles de la ville, des chevaux d’hypothétiques princes charmants.

Le sable m’interdisait tout son que le vent balayait, effaçant les pistes de l’autre, tu revivais encore, le temps d’apprécier le temps et l’existence de la vie quand elle réclame à paraître.

A faire de moi une perle de culture.

Femme libérée pour bonne conduite.

Ou à peu près. Ou sous bonne conduite. Et à peu près conduite. Peu introduite.

La symphonie des typhons surnaturels insensés de la foule effaçait toute trace de stoïcisme humain.

Il n’était pas sous les verrous, et pourtant il partait du principe de vivre, sur des désirs fulminants de haine, le désir au ventre de rentrer dans le lard, oh pardon chez lui, le hantait, le poursuivait dans ses avancées au fond du désert, d’où il prêchait, la tête emplie des nuits et des bruit des bêtes sauvages, de la pluie d’eau, de soleil, et de vent. Désert faux paradis où il mourait, de faim, de soif et aussi de manque d’eau.

Refrain sans cesse lancinant du vent, des tambours de guerre, des présences inquiétantes d’individus armés, de présences qui jamais ne se manifestaient, noir profond et jaloux d’une caste inconnue, la négritude ne possède pas de nom, négritude civilisée armée demain de maître, armes et flèches en évidence, ils n’attendaient que l’ordre de tuer pour charger, chefs de tribus.

L’âme inscrite sur tous les rochers de la venue d’un blanc, ils repartaient, célébrer leur victoire, au bout du monde sans détresse.

Le superficiel profond du surnaturel, insupportable, l’emportait sur la dérision, la lourdeur de la situation, dans les propos malsains, trahissait la fatigue et la crainte de tomber dans les mauvaises mœurs, tant la viande humaine manquait, l’anthropophagie venue d’Occident évidente entre l’homme et la femme était distinguable des propos anodins.

Corps humain

La question à la femme en écharpe, qui tremblait au moindre bruit, l’emportait sur le surnaturel de la situation.

Les orages de sable m’interdisaient tout appel au secours, balayaient les dernières pistes qui pouvaient assurer mon retour, point sans limite que mon futur, sans aucune marque qui puisse me servir de repère.


Le surnaturel l’emportait sur le ciel sans nuages, j’osais le répéter…

Giflait ma haine le devoir de rester tendre malgré la dureté des conditions, la question était de sortir de ce labyrinthe de choix, lui ou pas Lui, comment éveiller cette présence qui affinait les affinités…

La question même de temps devint une charpie, papiers froissés dans la poubelle du bureau, papiers déchiquetés par le souffle de la bombe, lettre insolente gardée fermée pliée en quatre dans les archives, en souvenir de lui, d’outre-tombe, allez savoir.

Et tout ce sable que j’alignais sur mes pas, que j’ai avalé, croyant me noyer une bonne fois, me pèle le ventre, et je m’irrite de ce sens qui me renvoie à mes propres erreurs, invente la douleur que l’on doit atténuer quand elle peut devenir mortelle.

Le métal froid que le prêtre en onction coince entre mes dents, lorsque ma pensée dévie des caractères imposés, au retour, me cloue dans une flemme omasse, que jamais je ne peux définir, défiée d’un contact tenace, déboutée de cette force animale qui me joue des tours.

Jusqu’au jour.

Les arbres avançaient, survivaient dans le ciel, l’âme intruse de tes pensées survivait, de tes pensées sauvages au fond du cœur empli de patience, je rêvais d’une corde de chanvre qui me sauverait de cette prison, la poitrine éclatée de chamade, je tentais de fuir, prisonnière de ce charme qui me tenait cloître.

La question était évidente de la claque, de la chape de plomb qui maintenait chaque homme sur terre dans un espace limité, claquant les hommes et les dents, faisant trembler à chaque menace, d’une peur aussi immense qu’un pays empoigné, autant que chacun, mais je manifestais envers ces ennemis la haine, la peur et l’exclusion de mes principes, j’intégrais à une envie de rester, ne serait-ce que pour ne point céder, surtout à la couardise d’ignorer le repentir de ces âmes quand prise en otage de l’amour, sous les traits de fantaisie que les fiançailles rompues avortent, elles avaient frappé, dur et fort, fiançailles où se chérissait un enfant, à venir.

Il est des ennemis de l’esprit autant que des ennemis de la chair.

Souvent, ce sont les mêmes.

Et je tenais serré contre moi le chèque de mon père, seul souvenir innocent qui me restait de lui, de ce père qui offre et joue les sacrifices, oui, peut-être…. Peut-être que non, peut-être…

Il partait de chez moi en se récitant des vers de poésie, et résistait à une lutte contre le vent, qui m’avait déjà plaquée contre le grillage de la résidence voisine, je rentrais chez moi, quand cet ouragan m’interdisait toute marche vers mon asile de paix, mon havre, ce logement tant désiré qui m’avait tant nuit, ma chambre et mon appartement feutré, cloître d’amour cloitré aux sueurs, aux envies des autres.

Dents jaunâtres que l’âge me réserve, je devinais, dans ma solitude, il me faudrait retourner au sens des réalités, partir delà, cela ne pourrait durer éternellement d’écorcher ce corps pour lettre morte, pour plaire à l’esprit cher d’autrui, sans complexes mais avec tares et dégénérescences ataviques, sans compter les complications si les refus de ma part étaient trop fréquents, ou trop évidents.

Le métal froid habité des humeurs de ses usagers, brillant comme autant de cristaux de sable, frémissait sous la force expurgée, ils étaient capables de tordre les cuillers, ces courants, de cette épreuve qui exige le mal, le soin.

Je me tordais dans les bras de cet époux invisible qui vit au fond de moi, dans mes creux, homme que jamais aucune femme n’aura trouvé, ou bien, cela se tait.

J’étais comme un fou de poursuivre cette lente marche qui me menait au tombeau, sans pleurs ni conscience d’être mort décédé, sans sexe, ni âge, un Homme, un humain, le terme est à peu prêt un symbole, désuet, les mourants encore insensibles du mal profond des âmes tranquilles.

Clouée vive au poteau de la terreur maladive, de la femme libérée, ma maladie insensée sans peur véritable qui fait que l’on chavire et peut disparaître, je poursuivais sous le soleil pour que ne parvienne la nudité totale, à revenir sans, une bonne fois pour toutes, m’endormir.


Le chat de porcelaine

Sous l’aile de l’ironie, je cachais mes dernières sensations, mes derniers sentiments, envers le profond des Hommes.

Ma procuration.

Et escale volée aux dieux des tabous de ce siècle, mon regard ivre de tendresse plongeait dans le lac des abysses, dans le bleu abîme des sens. Dans le rouge douloureux de l’humanité.

Sens giratoire, sens interdit, sens unique des conversations, sens de l’obligation, et le sentiment adultère de l’échappatoire.

Il était tard, les noceurs revenaient en grappes de cinq, frappées du sceau des réveillons manqués, avec dans la tête le son des carillons, les mousses âcres des coupes de champagne, celles des sous-bois piétinés, les bulles de beauté des femmes du soir.

A l’abri de mon silence, je matais l’image sage des nuits de fête, ressentais l’aile volage des princesses d’une nuit, et contemplais du haut de mon étage, les bruits de la dernière heure, celle des fêtards heureux de tant de beau de bleu et de bonté, dans le noir profond d’une heure tardive.

Moi, le chat de porcelaine, laissé dans la bibliothèque, sur mon étagère close, brisée au petit matin d’une main maladroite.

Les brisures vite balayées d’un mouvement rapide, la fête reprit.

Il était trop tard pour éprouver de jalousie, le petit jour pointait, et l’éclat des verres à liqueur à moitié vides sur les tables éclairait les pièces vides de convives éméchées. Desséchés dans quelque coin de chambre, de tant de soif.

Et le chat de porcelaine vivait encore, au fond de la poubelle, entre les bouchons de champagne et les reliefs de repas, les coquilles vides d’huitres sucées de lèvres avides.

Ce n’était que le soir du Nouvel An…


Pensées anonymes

Le mal, nudité mentale, qui gêne l’auditeur de la plainte.

L’écriture habille de son filtre protecteur cette nudité indécente du mal profond de chacun.

Ce n’est pas un langage codé, ni employé au quotidien, trépanation, électrochocs, séismographies, séismo-convulso-thérapies, sangles, ce sont les mots durs qui se taisent, dont tous ont peur sauf ceux qui les infligent, une peur relative à chaque niveau de conscience.

Un monde où le mensonge est un rempart contre la crise du malade qui réalise, se réalise dans une mascarade sans fin, un monde impitoyable où l’ascèse des termes convient au mensonge par omission qui voile l’indécence de la révélation. Le cru de la vérité qui s’infiltre dans souvenir, et confectionne un passé nauséeux, que l’on rêve fictif.

Un monde où le désespoir et la détresse n’ont aucune image, ni visage apparent.

Un monde parallèle du non-dit qui n’est que l’aveu qui si il existait, me détruirait.

Ce n’est qu’un langage qui se motive sur l’absence de discourt, échappe aux règles du commun, lance sur des rails de l’inspiration les langues intimes de l’être malade.

Ici, l’écriture, peut poursuivre ce dit délire intérieur qui habite chaque âme seule dans un univers de mal entendants, où de répliques elliptiques. L’on imagine un interlocuteur au flot de paroles ou à la phrase lacunaire qui manquerait évitera de parler de la vérité. L’incommunicable du spontané retravaillé pour qu’il sorte polissé de travail humide de larmes intérieures, une buée de soupirs qui ne parlent que de l’indicible. De la réalité, autre nom de la vérité.

Ici, dans le contexte apparent, l’on ne vise pas la cible, on l’évite, c’est là que l’art précède la pensée. La beauté a des mots, elle s’invente. Viser juste tant cela est nécessaire est un vain mot.

On peut entrer dans le mal de l’autre, il reste une identité qui a un nom secret, existe malgré les autres.

Il faut laisser la crise ou le mal intérieur comme des pantoufles à l’extérieur d’un temple où l’on ne prie que l’imaginaire, de taire la douleur, de l’anesthésier quelques heures de léthargie profonde, dans une excitation des sens qui vibrent au son d’une consigne : « ne parle pas de toi, contemple le monde ». Ou le vra i dérapage. Mouais de tant apprendre la leçon.

Un temps où l’oublier, de mal interdit aux oreilles altruistes, où l’on prend le temps de l’effleurer, de le laisser percer à travers le voile de l’absence, sans jamais vraiment le dénommer.

J’ai peur d’écrire comme l’on chante faux.

La poésie, un chant intérieur où l’intime n’est plus profané.

Où le dedans est l’inconnu.

Un être de flammes où l’indicible a un nom, la poésie où l’acuité persiste à éclairer l’exact de l’entité de chacun selon les règles d’un acrobate des mots, et la rigueur d’une lettre à un autre être invisible, qui aura toutes les identités soi-même cloîtré dans son identité personnelle, qui doit affleurer la surface d’eaux troubles, la perte de la conscience.

Un mot, une terre, une terre, malade, ravagée de pleurs ou de rires, qui bouge et change au gré des humeurs, inlassablement côte à côte des idées du ventre de la pensée.

Une aventure où l’on s’aperçoit que la poésie est immortelle, que le poste d’artiste peut mourir. Où le relai des âmes fait qu’un jour suit un jour, un autre jour qui s’évade de la qualité de malade, transcende le mal intérieur en échappée volontaire, presque subconscience.

La poésie n’est une fonction, ni un travail qui amasse des trésors thésaurisés, même volontairement choisie, elle est un choix de paraître, de transpercer le drap blanc de l’hôpital, qui enveloppe chaque idée, les note dans un carnet de soins, ici, la voix intérieure se venge, peut-être, d’un anonymat qui reste la couverture de chacun, laisse transparaître le vrai du subconscient, travaillé dans la raison d’une éthique.

Où le mal fait mal, douloureusement, dans une joie momentanée, éclate de rire comme en sanglots, vit et croit dans la patience d’une parution, d’une reconnaissance de l’autre.

Etre fou, fou de poésie, être mal, mal jusqu’au suicide des mots, qui étaient cause de la maladie.

Par un travail assidu, le côté personnel est aligné, rangé dans chaque case de la Raison, un travail facile d’apparence, qui n’a d’autre source que l’exemplaire à communiquer, et le tri des idées, les idées noires, les idées bleues, victimes les bleus de l’âme, le rose de la vie, le désir de parler sauvage, l’inaccessible de l’auteur comble à la fin de chaque écriture un manque de devoir de l’identité profonde de l’écrivain, qui ni soi ni les autres, travaille sa langue dans un soucis de transmission d’un savoir obscur, la littérature, la poésie de mots tus car jamais révélée par un besoin de les transmettre, peut-être un travail égoïste qui joue et s’amuse de termes inédits, invente chaque terme, voit un style et voit à chaque heure d’écriture se former une pensée de soi que l’on s’ignorait, une découverte de sens calculés et agencés pour que la paix profonde du travail accompli cerne la sensation de l’agréable, du parfait presque atteint, du mieux de Soi, en soi, pour tous.

Où l’on écrit jusque dans son lit d’hôpital, lancé dans l’amour de ce Soi intangible…

Et je constate que la pensée a des limites, enracinées dans la vie en société, des règlements qui gèrent notre silence, des mots tout bas qui hurlent au fond de cette pensée destinée.

Un rêve impalpable vers une terre d’accueil…


Etage zéro

Ce qu’il y a en dessous de mon sol, je le sais.

De l’impertinence, de l’envie malsaine et comme un besoin de diabète, de quelque chose qui fait mal au ventre, des imbécilités gratuites permises, des refrains qui ont un arrière goût d’après-guerre. Et des morceaux de viande cuite, de l’amour ultime poussé à bout de farandoles grotesques, et du lait, la misère de l’opprobre, le besoin calmant de parler d’autrui.

Et comme toujours ce qu’il y a à chaque étage de l’ascenseur, je ne le sais, peut-être de l’ombre, des précautions et de la minutie à ne pas glisser sur les linos mouillés, de l’air et de l’amour aussi.

Et comme toujours, cette odeur de viande rissolée aux heures du repas de midi, et cette soif de ne reparaître, pendant que je plonge mon croissant dans mon thé, et que je mâche, en m’étouffant de mes dernières bouchées, cette simple bouillie de pain de sucre et de sel, cette nourriture simple qui me sustente et me maintient en vie.

Et ils parlent comme sur un air de fête de froid, de noir et d’habitudes, de rixes aussi, de pénible et de revanche.

Ils parlent, comme sur un air de fête, malgré les ennuis et les mauvais cafés, le bout des nuits lunaires, le bruit des vies humaines, animales mêlées sangs mêlés sous la pluie commune des grands ensembles, sangs mêlés d’odeurs intimes, de chats, d’hommes et de chiens, leur salive noyée des mots de l’envie qui manque et qui s’ausculte, l’envie de vivre malgré, contre tout, malgré le temps trempé, et le temps, le mauvais temps, le soleil fulgurant et le froid meurtrier.

Et on les entend tous parler ou se taire terrassés par les amours et le travail non plus un droit mais devenu obligatoire, et on les aime tous, de tant d’obligation, mais en peinture seulement, larme facile contre l’ennui.

Drame farouche que chaque étage de ces vies et les cœurs qui épient se terrent dans le silence hivernal, les premiers pleurs de l’été.

Les beignes faciles se perdent des mains grasses qui s’écrasent en guise de bienfait mérité, sur les joues blêmes des enfants, des femmes fragiles, anémiées à l’air acide et hurlant de la place. Enfants ramenés à la dérive du délire de paraître.

On rêve un peu, un peu de rêve, et du dessous le temps revient de s’échapper de cette haine de n’y point parvenir, et ce n’est que le banal, au goût acre d’eau de Javel et de turpitude.

De la pluie, du vent, l’odeur forte du macadam mouillé.

L’hiver.

Dans l’espoir

Je plonge, dans l’espoir de le revoir, au comble du soir si mauve, et le vent joue dans mes cheveux, non sa main ravie, le désert envahit cette fête que je me faisais, de l’entendre tout près de moi sur terre, tout près de ma tête, terre où je danserai tard, la nuit humaine encore en liesse, cette ivresse où je buvais ces dernières liqueurs de la présence sur terre.

Dans l’espoir de vivre encore un peu, jument aride qui tire sa charrette, je compte sur le sommeil de l’hiver pour perdurer jusqu’au printemps prochain, de peur de souffrir trop ou d’avantage.

Dans l’espoir de me quitter, il avait fui comme l’on se quitte, sans rien emporter, il est parti, cet absent que je n’ai jamais rencontré, mystère ou folie, transparent d’un pays qi ne lui appartient plus, ou qui n’en est plus un. Il a couru devant le feu des gendarmes, et le fer de la loi.

Sous le feu aussi promis aux déserteurs, et celui que j’attisais, innocente de tant de mal, feu presque éteint de pluie marbrée et bleue, bleuie de peine. Et ce feu dans son cœur, que j’avais allumé, toujours si tendre ou impossible.

Dans l’espoir de le revivre, je soufflerai sur mes doigts froids de gelée, cat automne, le croisant à chaque coin de rue, et attendant que décembre ne me veille, ahurie de léthargie, que ce printemps ne dure, ni cet été, où je devrai connaître le soleil d’aimer, sans qu’aucun amoureux ne veuille contre sa joue mon dernier souffle de repentir. Et l’agonie de cet amour me guette des sens, de cet instant, guette ce regain qui m’approche, dont je ne pourrai plus partir, je resterai, prisonnière, belle de ce continent vide qu’il m’a laissé, en guise de souvenir, comme l’on erre encore sur les lieux du drame.

De lui, dans l’espoir d’oublier un peu, calmé et adouci par quelque conquête secrète, me reste l’envie qui épie son silence, l’envie sur mon visage glacé, quelques flocons de neige, pris dans le filet de mes cheveux, mon esprit nourrissant quelque fin rapide.

Et j’aime cet élan que je remets à demain, dans l’espoir d’un ultime soupir de lui, non de patience je l’espère, revêts ce deuil de l’absence, ou de la chance, celle que j’avais trop vécue.

Dans l’espoir de ne nourrir plus ce rêve, je ferme discrètement la porte sur mes siestes passées, et contemple, à quelques terrasses désertées de là de la ville, ce café qui dort au fond de ma tasse, qui lui était destiné.


Un amant sans fautes

Il dort dans mes cheveux

Promesse inaudible d’être toujours là

Seule sa possession aux angles de ses yeux

Chuchote son plaisir de me revoir dans ma nuque surprise

Et s’étend, vide, délassé, de tout son long, contre mes oreillers

Il s’étire, émerveillé, me regarde, ses eux dorés fixés sur mes yeux froids,

Le regard étreint d’une étroite densité

Machinal, il pousse de petits soupirs, quelques menus bruits d’aspiration lorsqu’il respire, ronfle un peu, d’un souffle régulier.

Petit espion de ma salle de bain.

Endiablé, les jours de grand vent, il détale, se heurte aux quatre coins des pièces, se cogne les dents aux portes, après un surplace aigu sur les sols lustrés.

Loyal, il m’appelle, me cherche dans les greniers, rentre du dehors d’un saut dans le séjour blanchi de lumière, le poil bleu pâle hérissé, le panache en plume d’autruche.

Se couche sur le flanc, à mes pieds. Lorsque je refuse de dormir, dans un nuage de fumée, passif, mal. Attendant que j’aille me coucher enfin, ou que je me lève du canapé sirupeux pour lui donner son repas, du soir.

Et confiant, vient me souhaite rune bonne nuit, tard le soir, me bave un peu dessus, calant son museau camus contre mon visage, les narines humides, les yeux larmoyants.

L’après-midi, blotti dans une tache de soleil sur le lino crème, il pense, à toute cette herbe qui l’attend, au loin, ce jardin mythique, cet Eden qu’il retrouvera après chaque crise, pour lequel il se laisserait mourir, et les oiseaux du pays ne chanteront plus que pour lui.

Terrible dans ses colères, il ravage mes rideaux, se pend au regard du Père, le griffe, lacère la chair qui pourtant le nourrit, miaule lamentablement, redouble ses cris, ébouriffé, sentant peut-être la mort venir, et roder ; n‘a jamais fait mentir son pédigrée.

Il dort dans mes cheveux

Le souffle court, émaillé de hoquets, de petites reprises d’un ronron affreux ou souffreteux, qu’il hachure de quelques coups de langue bien appliqués sur mes joues, me remercie pour chacune des journées qu’il a vécues en ma compagnie.

Mes mains prêtes à lui rendre la caresse de ses moustaches, sur mes yeux, le duveteux de son poil laineux.

Possession immobile, aux soupirs entravés de peine, qui pousse ses quelques exhalaisons de satisfaction, d’intense soulagement, ami endormi en rond sur sa panière.

Mimi.

Le crâne aplati au nez minuscule, retourné, renversé dans un air de délice infini.

Me touche se sa tête le mollet lorsqu’il a faim, pour montrer qu’il m’aime, mais laisse là sa nourriture, s’agite et ne mange plus, à la moindre contrariété, histoire de me montrer son malheur et de se faire plaindre, à mes moindres haines.

Il dort dans mes cheveux

Le nez pris d’une sinusite inévitable

Ses griffes plantées dans mon épaule

Oppressé d’un gouffre de volupté

Il vibre d’un puissant bonheur

Niché au creux de mon cou

Enfoui dans ma nuque

M’enveloppe d’un regard confiant qui ne cherche que l’étonnement

L’air perdu de tant de compréhension

Et pose avec bonté son menton sur mon front

Me chatouille de ses pattes

M’emplie les sens de sa présence tacite

Le matin, il se lève, va se brosser les dents,

Revient m’éveiller, une tasse de café à la main

L’air ravi

Je l’aime jusqu’au soir, et tout se brouille

Et quand tombe le rideau de sa visite sur ma couette,

J’aime cet espace vide que n’habite que son ombre

Il dort dans mes cheveux

Souvenir d’un passé sans fin au souvenir immortel sinon insupportable

Un équilibre parfait qui jamais ne quittera le lit

Au plus fort de ce mois d’Août invivable.


Le mur

Il existe un mur, quelque part dans mon enfance

Qui, force presque surnaturelle,

Clôturait une cour de graviers et de ciment

Un mur blond de pierres douces

Crépi par endroit d’un enduit gréseux qui s’effritait entre les doigts

Lorsque je le griffais

Un mur absent et droit qui immense fermait la cour aux intrus

Et aux cris des enfants

Ceignait de ses limites timides

Un espace sans fin où enfant je jouais seule

Partie un après-midi jouer contre lui à lui lancer une balle

Je la laissais rebondir sur cette muraille sans détail

Le mur me la renvoyait et d’un coup sec la balle me revenait

Je l’attrapais sans effort, le jeu reprenait sans jamais fatiguer

Il était le mur, le mur de l’enfance

Celui contre lequel je m’appuyais de toutes mes forces

Contre lequel je carrais mes épaules, un pied appuyé sur cet arc de forces

Quand essoufflée je contemplais les billes de verre multicolore

Au creux de ma main

Le mur contre lequel je m’aplatissais pour m’écouter respirer

Après le saut à la corde et les agrès

Il me surveillait de loin, lointain cœur fidèle

J’écrasais ma poitrine naissante et plaquais mon ventre plat

Encore inconnu de ma conscience sur cette surface nue et vide

Qui recevait les premiers devoirs de l’adolescence

Un petit vent doux soulevait ma jupe courte, bien trop courte pour mon jeune âge

Mes amours de fin d’enfance laissaient tomber les regards

Sur les socquettes blanches desserrées, sans élastiques,

Qui s’ourlaient autour de mes chevilles tendues

Et s’étalaient sur me vieilles chaussures cloutées.

J’attrapais la balle au vol, tournais sur moi-même

Le vent s’engouffrait sous ma robe, frôlait mes jambes nues

Sur des patins à roulettes indécis, je me précipitais face à la grande poitrine qu’il était,

Devançant d’un regard bref son appel

Et m’élançais contre sa paroi, que mes épaules heurtaient

Il était l’Ami, l’amour impossible qui me reviendrait lorsque je serai libérée de l’enfance, le mari fidèle et le tuteur qui suivait de son silence mes moindres gestes et le cours de mes jeunes années.

Celui qui était toujours le même, toujours là quand je l’embrassais des yeux

Qui jamais ne faiblissait aux rendez-vous, pour consoler les pleurs, les premières chamades, rétablir mon souffle.

Premier témoin des soupirs éperdus.

Mur de prières émues, au plaisir surhumain et si chaste

D’aller et venir, de courir contre le vent dans cette cour

D’où j’entendais les chœurs de l’école, en face

Une cour qu’ombrageaient à peine l’été venu les tilleuls jaunes

Où le soleil frappait durement le sol

Et le printemps surplombait de sa chaleur tiède

Le feuillage humide des marronniers en fleurs

Temps infini de l’enfance

Le mur était le rempart qui fermait une maison vide, peut être pleine de vie, mais que j’ignorais, dont je ne voulais rien voir ni savoir, il était le mur, et non le mur d’une bâtisse, emplie de ses gens, de ses paroles lancées le matin, de ses mots vibrants le soir, une vie à part que je préférais laisser au large de mes jeux.

Derrière le mur, dans mon esprit, il n’y avait que le ciel, seule l’ombre de quelque arbre troublait la fête de me savoir seule en face de lui, feuillage d’insolence ombrageuse et voyeurs qui dépassaient du haut des tuiles.

L’idée de ce jardin inconnu que je ne foulerai jamais me perturbait, j’amassais quelque revanche à prendre sur cette vie mystérieuse qu’il cachait.

Un jour, un garçon du collège ouvrit la porte de la cour, une porte de bois qui grinçait sur ses gongs, il avança dans le vide de gravillons gris, je le vis avec stupeur et horreur marcher sur le mur. Je m’étais réfugiée derrière un pilier et n’étais vue, il se débraguetta violemment, puis urina contre cet être de pierre à qui je vouais tout, que je chérissais tant. Se tourna d’un air niais, un temps perdu et se rebragua, fit demi-tour et sorti, l’air à l’aise.

Depuis, je ne conçus plus le mur de la même façon, il avait été irrémédiablement souillé. Il ne serait plus qu’un enfant mort, l’ami mort.

Et je le frappais d’une balle, tout en me rappelant son ancien amour.

J’attrapais la balle, elle venait se caler entre mes mains, je la lançais avec vigueur, tapais de toutes mes forces la boule de caoutchouc contre les moellons, tapais dans mes mains et virevoltais, reprenais la balle une fois face à face, avec lui.

Les vieilles pierres rosissaient au soleil déclinant, je sentais encore émaner du ras des herbes l’odeur chaude de la pise humaine.

Lasse, je rentrais.

Mortes amours.


Tonnes

Je leur jette un regard, ils me jettent la première pierre.

Je leur prête une oreille, ils ne me la rendent pas.

Je leur rapporte des propos, de l’argent et des bonbons, ils me répliquent qu’ils n’en ont plus besoin.

Je leur parle d’amour, ils me disent qu’ils ne veulent plus m’aimer.

Si je reste muette et sourde à leur injure, ils me disent que je suis aveugle et ne veulent plus m’entendre.

Je dors si bien qu’ils me disent que je rêve.

Je leur ouvrirais ma porte, ils me rétorqueraient de la fermer

Si je les traite de vipères, ils me disent crache ton venin

Je déboutonne mon col, relève les manches de mes pulls, ils disent que je mérite la corde, si je serre ma ceinture.

Et si je dégrafe ma ceinture, ils décident qu’il faut me la boucler.

Je me prends les doigts dans la charnière, ils répliquent que cela leur fait plaisir.

Et si j’étais paranoïaque ?

Si je vitupère, vite le Père.

Si dans me »s pensées vite je tue le père ? Ils répliquent qu’ils tuent les vipères ;

Si de ma vie je n’ai vu de père ? Ils disent que j’en mérite un puis une.

Si je mérite une paire, je n’ai jamais su laquelle. Paire de fesse, de claques ou de genoux ? Le père dans les valises de la nation.

A force de vivre dans la limaille et la mitraille, on finit parfois par péter un câble avec les boulons…


Année nouvelle

Je voudrais un univers de bruissements d’oiseaux et de sauvagine feutrée

Où personne ne souille l’instant heureux, fragile, du bonheur

Où les amants font la sieste ensemble, bercés sous le vent, et le silence des forêts

Se languissent et s’aident, au bruit sourd des ruisseaux

Un monde preux tendre et fier

Où les chiens ne s’écrasent sur les routes le dimanche

Où les idées qui fleurissent les coeurs

Se répandent dans un champ de coquelicots en plein ciel

Où les prisons s’évaporent

Où les enfants rient même tout bas

Sans haine ni peur dans des jardins de baisers

Un monde où le premier pas coûte peut-être mais ne cède pas, ne se signale que d’un air pur, d’un regard plein ciel.

Où les heures malheureuses et atroces de la mort, de la torture, ne planent au dessus des lits, des dortoirs, des berceaux.

Un monde où la vie respire.

Où la faim et l’indigence ne parent plus les talents de la charité ni du despotisme.

On monde où le blanc n’est plus celui des blouses mais celui des robes de mariées, où les jeunes épousées ne meurent vierges mais dans les bras de leur vieil amant.

Où les nourrissons nés, les bambins et les enfants ne prennent des doses de pommade calmante ni des surdosages performants pour périr dans le pétrissage de couche-culotte avant l’examen, scolaire ou médical, sans mériter une fessée spectaculaire, puis la rouste du médecin, retentissante à jamais.

Un monde où le fratricide n’existe pas.

Où le faux ne trahit

Où la vie s’époumone à vivre, aimer, et ne meurt dans des cages

Où la négligence ne tue pas

Ni l’épine grossière des commères

Où l’agonie silencieuse des mondes ne doit plus flagorner

Où perce le sourire timide effleuré des amoureux sensibles

Où les chevaux ne s’achèvent pas

Où les oiseaux ne se cachent pour mourir

Où les chats ne se castrent pas

Un monde parfait…


Misere

Aile de papillon à la saignée du bras, je vole, autour de plaines épandues entre des montagnes violettes, à la lisière des forêts de sapins. .

Je joints mes poignets en un geste de prière païenne

M’étends auprès de ce corps aimé qui dort et respire

Je vole

Papillon qui se pose un instant sur ta tempe, paralysé par l’effort de planer une seconde,

Englué des sèves de la nuit

Au dessus des ténèbres

Au-delà des pluies et des rivières pâles, aux palsières vert sombre

Au deçà des tombes et des mégalithes plantés en terre d’ancêtres disparus

je parcours autour de la terre un voyage immatériel sans fin entre des rangées d’arbres rouges, les vallées disparues réapparaissent, sous un plafond de nuages orangés d’aurores cramoisies, reviens doucement me poser sur ce lit d’ombre que tu habites.

Dans tes yeux fermés très fort des armes roulent de foi, de fierté, de sommeil profond abîmé de patience.

Tendre ton sommeil, le visage plissé de l’amour que tu portes, tes yeux appellent un baiser effleuré, ce front sérieux et pâle affronte le temps, le jour, au-dessus du battement de cils, vibration des narines.

Volutes de fumée tranquille entre deux rêves

Dans une mer de pointillés.

Et pleurer doucement d’être aimée et seule à le savoir, et seule à la fois

D’être animée de tant de vie.

De n’avoir plus autant de peine à te rendre ce plaisir qui te noue de me serrer violemment contre ce corps noué.

J’aurais voulu t’appeler tout bas et déclancher la transe, saturer de paix ce ventre calme, privé d’étreinte aveuglante, lumineuse de soleil bas.

Toucher cette bouche rougie de feu qui embrase les âmes innocentes et réunir en quelques secondes de vie deux existences encre stériles de séparation, isolées du sceau de l’indifférence.

Unies.

Et livrer le sang, les humeurs végétales du plaisir dévoilé d’une étoile parallèle au soleil qui nova éblouissante sans nuit ni jour veille, pulsar témoin de ce drame tranquille qui n’en est un, pénètre au creux de nos secrets, frissonne, fusionne en nos forces et lie à jamais deux vies d’ivresse,

Monde purpurin.


Lettre à un absent

Toi, un flot de rêves inachevés

Des journaux cornés, jaunis,

Des assiettes blanches et vertes empilées qui s’entrechoquent

Un signal, des bruits irisés

Du verre blanc brisé

Une plume de paon dans un bocal bleuté

Et de l’eau, beaucoup d’eau

Des savons, des savonnettes entamées, qui embaument les chambres

Les lieux vides que tu habites, où tu déambules aux heures creuses, infinies, indifférentes

Et moi, qui t’aime plus que tout

Des rivières de verre liquide parmi des galets de quartz blond

Des spirales de fumée grise qui enivrent les sens

Conduisent aux rêves éveillées, aux mensonges du temps

Des insultes, des propos lancinants décalés déclamés avec rudesses

Un lit

Des draps roses et bleus, pâles pastels

Des pyjamas vides

De longues marches insensibles

Un chat aimé d’un ciel limpide, d’un chien sage et de fleurs sauvages

Un éclat de regard dans mon regard

Du miel, des roses, des abeilles bourdonnantes dans un champ de genets

Une cigarette

Un tissu de fumée qui transcende chaque instant de silence

Et plane au-dessus du canapé, atteint l’azur et s’évapore en mouches bleues

Des strass sans difficulté, des brillants éternels sans pureté réelle

Toi, c’est toi et moi confondus

Un enfer qui te mine

Un clown qui fait le pitre

Et des litres de thé, de café, et de la limonade, des sirops de citron, des boissons orangées

Des salades de fruits

Et un front plombé posé dans l’air au dessus de récits enchevêtrés écrits à l’

Encre bleue.


Une fugue sans raison, des bleus aux genoux sans cour de récréation.

Tout ce que tu aurais pu me dire dans un souffle sur un oreiller, doucement calmé de tes craintes inaudibles, dans tes songes opales, je te le réponds, réponse à un temps qui fuit, à ce silence qui pèse sur un printemps qui s’essouffle.

Moi, c’est toi.

Et je me récite tout bas cette complainte

Ce compliment qui jamais n’a effleuré ma bouche d’un long baiser immobile,

Tactile singerie que j ‘apprends au matin

Sortie des draps mouillés de sueur banale.

Je t’embrasse.

Toi qui s’éveille au bruissement des étoiles au cœur firmament des nuits sans fond.

Et qui cherche ma main gentiment sous les couettes humides.


Eclipse, équinoxe

Un air impalpable envahissait le jour, tombait du ciel une pluie fine de poussière blonde portée par les vents, l’on pensait que le soleil ne se coucherait jamais.

Il se poserait peut-être, boule de feu immatérielle pour nous autres, qui n’imaginons pas de quelle chaleur elle doit fondre, astre que le temps figeait en sphère banale.

Le jour était autre.

Les bêtes attendaient sans bruit une éclipse ou quelque phénomène étrange.

Les hommes eux attendaient la nuit noire, levaient la tête en guettant les constellations…

Un élémentaire brouhaha de torpeur s’éloignait des villes que le soleil frappait encore, et nue le travail de vibrer reprenait.

Il faisait chaud et personne ne pouvait prédire le temps, le temps que s’accomplisse le météore.

Les arbres avaient grandi et jaunissaient sous le vent, ils paraissaient embrasser la terre, ils devenaient comme le miel, leurs branchages semblaient gênants.

Il fallait garder les enfants près de soi pour qu’ils cessent de s’agiter.

Une auréole de printemps naissait dans l’humidité des feuillages, et les chevaux désobéissaient.

Les oiseaux volaient bas, rasant les murs, se cognaient aux fenêtres en clefs.

Et il faisait un silence d’ombre, un peu comme avant les apocalypses.

Et l’on ne sait pourquoi, une nuée de moucherons pourchassés par les rayons obliques fuyaient vers les terres.

Les plantes croissaient doucement sur la lancée d’un regain nouveau, lentement l’ombre cachée des arbres s’étirait derrière les maisons, s’allongeait en rampant, atteignait le puits la tonnelle du jardin, et parfois presque la route.

Un parfum de terre mouillée prenait à la tête.

Soir ou temps de lune rousse.

Il la prit dans ses bras, la serra très fort. Il quémandait un baiser qui ne venait pas, puis il demanda sa robe noire, et de le suivre.

La fille parlait peu, ou bas. Mais elle pensait qu’il exagérait.

Aux abords de la nuit, personne ne parlait. Les gens écoutaient le vent doucement défaire l’ordre sage des feuilles d’arbres, sous le parfum d’éternité des tilleuls.

Se nouaient dans les viscères des liens assidus, une vrille de passion prenait les gestes de chacun, un rappel de l’année passées, une nostalgie pour un temps futur. Les gens marchaient sans bruit, pensaient déjà à s’enrôler dans pulls de laine. Dans les chambres le tour baissait, avec l’ombre qui venait du ciel et le ciel tombait lentement sur les plaines, un vent de folie de sud frôlait les jambes des femmes, la chaleur irradiait encore leur ventre.

Le temps faisait penser à ces après-midi de juillet, au plus fort de l’été. Les envols d’étourneaux rappelaient le jour dominical. Le jour est différent les dimanches.

Silence et monotonie s’installaient, la nuit ne venait pas. Elle serait longuement calculée, comptée, d’une équitable durée à celle du jour.

Et l’âge de chaque enfant serait marqué par cette date. Chaque amoureux ressassait le goût de l’été, poursuivait d’un regard intérieur, l’intérieur de son esprit pour chercher l’équivalent en sens et en sentiment. Une sorte de peur languide, une frileuse impatience. Celle imaginée des fins de planètes.

Les éléments traînaient, s’étiraient dans ces 24 h de jour et de nuit, ce jour qui se ratatinerait pour que la nuit compte double. Les suées se feraient plus rares. L’automne déjà pesait sur les consciences, un cotonneux brouillard peu à peu infiltrait les pensées.

Il ferait plus froid. Les bêtes revenues au bercail, les oiseaux se tairaient.

Bulles de silences et de pensées qui s’évaporaient des villes ; elles avaient, désormais à veiller dans le bleu du temps le cours des siècles et des oracles à venir.

L’hiver ne leur devait que ce rituel.

Et ce n’était pas encore tout à fait la fin du monde…


La mouche

Et la mouche se posait comme un aimant attiré par la mort, empoisonné de la confiance de l’animal face à la disparition et la survie des insectes, elle survolait mes bras, mes jambes lessivées de marches forcées, suant les pleurs. Elle guettait sa fin, savourait à l’aurore de l’éveil aux sens le droit de se griser de ce nectar humain, la sueur, nectar de l’épuisement qui me conduisait à penser que cela lui était une jouissance qui l’emportait vers des étages du délice que nul humain n’oserait aborder, la reproduction, un acte protégé, et donc tu.

La mouche à la bouche suceuse, pompait à toutes veines le suc paradisiaque de son Dieu, l’Homme, en attendant la mort.

Mort envisageable soit, mais formelle, la mouche sachant de loin reconnaître l’odeur du décès humain, elle revenait à la charge, formelle, comme portée par un oubli de ne pas rester en vie, pour commettre l’acte de chair déterminé par les lois de la nature, et déguiser la mort de l’Homme en suicide, en acte voire naturel.

Commettre l‘acte nutritionnel dont se gaverait sa ponte, elle cherchait, cette mouche, le lieu sur mon corps dénudé dans les grosses chaleurs de juillet, nue dans mon lit, où elle forcerait ma peau de son rostre, et pondrait sa semence, autant que dans viande pourrie.

La mouche bleue voletait autour de ma bouche, où elle enfermerait quelques œufs sucrés, s’incrustait dans mes cils, autour de mes yeux dansait une sarabande triomphale, m’éveillant de son bourdonnement indiscret, elle oeuvrait à sa tâche de s’alimenter pour les générations futures qui germeraient dans mon corps et dans le sien.

Mes yeux, qui clignaient de fatigue la constataient, moite de mon sang et de mes lymphes, je la chassais d’un revers de main.

Elle était infatigable, inaccessible, irrépressible et invétérée, douée du sens inné de choisir sa proie, un sens inaltérable qui la percutait contre mon visage, pour pomper de l’homme qu’elle juge sa divinité, dieu unique, quand repue, elle s’éloigne, titubante, de cette œuvre amoureuse qui la secouait à craquer, de chercher sa nourriture, sale de peur et de pleurs, ivre de haine de l‘amour qu’elle suçait, elle échappe avant l’éveil de sa victime, constatant qu’elle ne trépasse.

Une corvée de trop.


La vie l’emportera

Elle ponctuait ses délices d’un verre d’eau, pour purifier ce dernier geste de la vie, celui de s’alimenter, seul geste qui régnait dans les reliquats de son existence, encore lié à la chair. Elle flirtait avec l’esprit de disparaître, tout comme l’on caresse un rêve, ou met un enfant au monde, sans concession envers la vie de martyr.

La vie la retenait dans ses ordres, ses conseils, ses aléas, elle y trouvait une échappatoire, à ses défis. Comment se passer d’un enfant de l’esprit qui seul reste, qui s’agite et se nourrit de toute une partie de l’histoire d’une femme, envahit sa vie intime passée à terminer ses goûter de bébé.

Elle se séquestrait dans l’idée, disait un homme, dans ses défenses contre la mort d’un amour sans fin, tant désiré, qui ne pardonnait aucune faute, et n’achevait de mourir, ni ne s’accommodait d’aucun choix.

Il s’escrimait à la vouloir telle, belle et douce, elle s’évertuait à lui échapper, à lui fausser compagnie pour langer, au creux de ses oreillers, ses songes éveillés de naître encore tout de suite sous une autre forme, femme non encore accomplie telle que sont toutes les maîtresses.

Elle sonnait aux portes des médecins, s’abîmait dans des vœux d’exodes et d’odyssées, sans lumière aucune, sinon ce respectable orgueil de rester mère d’elle-même, en vie malgré ses besoins irrésistibles de cesser tout commerce avec les vivants, et le reste de l’humanité, ces terriens qui l’amalgamaient à une perversion du traversin.

Comment expliquer ce besoin de reparaître en étant cachée, sous la forme d‘un bambin encore attaché au sein, petit marsupial habile qui ne dépendrait que de soi, d’elle et du monde, que l’on laisserait téter doucement ce ventre empli d’un lait maternel redoutable mais ami, prêt peut-être à l’occire. Ne plus s’occuper de rien, sinon laisser faire la nature de ce lien et les perceptions du ventre, seules entrailles qui vaillent dans l’univers, et n’écraser jamais plus de mégot de cigarette sur l’apparition de l’enfant.

Ces dernières années, elle s’enterrait vivre de vivre avec ce compagnon de route et de fortune, derniers terriens sur terre, espérant que quelque personnage hors du commun remplirait ce vide sidéral de l’infini et du détail de vivre sur ce sol, des accrocs minuscules à la chair comme un bateau à la dérive s’accrochaient à la mer, pour sombrer dans quelque ouragan, quelque typhon de plus.

Elle l’appelait, chéri, viens voir, et il venait, touché par ce malaise qui l’attendait, repartait vaincu, sachant cela inutile, et l’infirmité d’être stérile à tout amour.

Et ils pleuraient, touts deux, de ne devoir quelque devoir à la vie, celle d’un enfant qui grandirait seul, sans les besoins de parents jardiniers, qui ne tolèreraient qu’une branche à leur arbre, un bourgeon d‘idée pousse toujours du tronc des arbres taillés.

Chaque lendemain des équinoxes, ils se levaient tôt, s’acharnaient au travail de refaire le monde, accomplissant enfin les devoir de la nature, répondre à ses appels au secours.


Fièvres anodines

Incertitudes


Taules

Un haut dignitaire de l’ONU rend visite au directeur d’une prison chilienne, dans une petite ville de province.

Saluant les matons et sergents, il prend le coude de son guide et lui murmure, longeant les cellules, voyant un vieux prisonnier ridé aux cheveux longs et blancs lui demander de l’eau:

Ce qu’il y a de bien dans ces prisons, c’est qu’on y meurt de longévité, à 90 ans, on y est encore.

Un convoi humanitaire des Médecins du Monde sur le terrain passe de villages en villages en Bosnie, après les tirs de mortier et de roquettes, chargé de porter secours aux blessés, et de réanimer dans les premiers soins à dispenser, les personnes choquées.

Les médecins du convoi trouvant dans une rue déserte, sous le regard apitoyé de trois bedeaux, une jeune femme évanouie, qui selon un témoin, a les règles, interviennent. Elle est sans connaissance, faible.

Un médecin s’avance, dit aux badauds, éloignez-vous, éloignez-vous.

Un badaud quémande : des sels, des sels, elle nous quitte…

Le médecin du SAMU international, royal, lui rétorque : non, non, il faut économiser.

En guise de démonstration, pour plus d’efficacité et joignant le geste à la parole, il fouille dans les vêtements de la femme, plonge dans le slip de la patiente, en retire un linge sale ou ce qui était sensé faire office de protection, dans lequel la femme, prise de terreur et inconscience avait fait ses urines. Puis il le lui fourre sous le nez, et lui ordonne d’un air noble : respirez, respirez…

La jeune femme revient à elle, grâce au bandage ammoniaqué d’urines, et se prend une grande

Baffe dans la figure, pour la précarité du geste, destinée à la maintenir en vie et la ramener à la raison.

Le médecin, content et fier de lui, rajoute, triomphal mais essoufflé :

« Je ne pouvais rien faire d’autre. Rapidité, efficacité. Ce n’est qu’une question de réflexe, c’est un geste qui peut sauver, il fallait faire vite. Ce qu’il y a de bien dans la pisse, c’est que c’est beaucoup plus radical et efficace qu’un camembert bien fait en période de pléthore. Nous, l’on fait avec les moyens du bord. Ces gens là, décidément, l’on aura tout fait pour les sortir de la merde. »

D’après vous, il valait mieux faire quoi d’autre ?

Quelle est la différence entre un singe et un calendrier ?

Aucune, ils ont chacun demain.

Quelle est la différence, pour un juif, entre l’art culinaire et un tire comédon ?

C’est qu’un juif, quand on le cuisine, on lui tire les vers du nez.

Quelle est la différence entre un juif et un policier ?

Aucune, ils ont tous les deux du nez.

Quelle est la différence entre un policier et un bâton de rouge à lèvres ?

C’est que quand un policier en a terminé avec un prisonnier, il l’envoie chez l’esthéticienne pour le maquillage, manucure comprise.

Quelle est la différence entre un prisonnier politique et un bâton de beurre cacao ?

C’est l’art du maquillage dans la transparence.

Quelle est la différence entre un prisonnier et une plaque de chocolat ?

L’art de la cuisine en guise de dessert quand ils vous le servent.

Quelle est la différence entre un psychiatre et un tube de pâte dentifrice ?

C’est la haine des maux dedans quand le psychiatre dit à son patient : souriez.

Quelle est la différence entre un bon père de famille et un prof de lycée ?

L’esprit de contrôle.

Quelle est la différence entre un restaurant et un commissariat de police dans un quartier en difficulté ?

Les odeurs de cuisine quand les flics font cantine.

Quelle est la différence entre un bon père de famille et un prof de faculté ?

L’odeur de patchouli.

Qu’est ce qui fait la différence entre une mouette et un maquereau ?

Il n’y en a aucune, ils aiment tous deux la morue fraîche.

Qu’est ce qui fait la différence entre un livre et un bouquet de violettes ?

La différence entre la liberté de pensée et un bouquet de fleurs bleues.

Quelle est la différence entre un médecin du SAMU et un petit oiseau ?

Un paquet de chips, qui fait blanc colombe chez les patates.

Quelle est la différence entre un bouquet de violettes et un membre du KGB, qui fait dans les fleurs ?

Un bouquet de pensées sauvages.

Quelle est la différence entre une souris et un CRS ?

Aucune, ils ont tous deux horreur des tapettes.

Une araignée

Etre furtif du futur, artiste, prenant son rôle tel un dû, attentat des hommes qui espèrent, soumise aux écritures chimères, subjugante obsessionnelle, épouvantable et passionnée, trace la race des chairs écrites sur fil de soie transparent.

Reconnaissante du bien comme du mal, ne se meut que sur la violence des réponses, à ses actes de survie.

Diamant noir instruit d’infini et construit d’infect, la méticulosité de l’insecte, sûr de soi, précis, précieux précieux, qui fouille avec insistance, fermeté et lenteur, calcule les tissus, les viscères de sa proie.

Prête, peu à peu fascinée, engluée de sucs aphrodisiaques, elle se sent disparaître dans une grande douleur constante et répétée, se retrouve entièrement dissociée, lucide par fragments à travers le corps et les sens, l’intelligence pèse sur une toile bleue sans lieu.

Intellectuelle d’un air étrange, étrangère à tant de fierté, de ses oscelles rubis, discerne les dissociations internes duc cocon, les combustions de sa réalité propre, celle de la larve, envisage l’élimination des déchets.

Même s’il reste encore quelque peu de conscience vive accrochée à ses pattes, elle déambule, fatale, funambule incertain, sur des ouragans et tempêtes de son existence, sans jamais faiblir, nette de tout carnage, sinon justifié par les lois de la nature.

Elle se rappelle son entité d’insecte anesthésié de son poison-mère, qui se nourrit du venin qu’elle injecte, paralysie d’être sensible qui voit autour de sa momie se former les échelles de la toile, sent agir la chimie du poison.

Innés de charme précoce, les oiseaux tournoient dans un vol lent.

Leurs battements d’ailes , aveugles, souffle de vent souffletant soporifique tiède, soulève une nappe de pailles et de sable chaud, sentant le pain chaud, la farine la poussière et l’étable, grise. Brebis qui frissonnent, et embaument le suint, sous la chaleur d’août.

Assoupie de chaleur, l’araignée attend, le froid, l’hiver, la neige.

Le ventre plein d’œufs qui s’agitent, vrombissent, elle attend.

De ses pattes velues, elle s’accroche aux rafales, doux élans qui la bercent, souffles de dieux qui la caressent, vent d’été.

L’abdomen renflé, prêt à pondre, ses œufs presque éclots, elle grimpe, les griffes visqueuses délicates posées sur les coussinets de poils soyeux, elle cherche un abris, un logis sous une écorce brune, elle noire de jeune, emplie des sucs de la fête, musquée de glue vivace.

Goutte de miel balancée au dessus des têtes, invisible pour les humains, mais vraie, heureuse, sereine, la taille nerveuse, inquiète tout de même pour sa progéniture, de retrouver ses pas, surveiller la lente digestion des entrailles prisonnières sous les cocons vibrants.

Liquides verts et lymphes aux odeurs de gentiane, de feuilles jaunies, étés, printemps, hivers à sucer, lymphes sucrées, liqueurs violentes enivrantes et douces, rêves féconds.

Saoule de déjeuners, viveuse, elle attend.

Alpages

Et c’est pourquoi ce jour-là, la brebis égarée du troupeau égara son berger, c’est pourquoi ce jour-là elle s’est mise à pleurer, c’est pourquoi elle ne pu le ramener, et s’enfuit.

Alors, ce jour-là, on pendit le cochon, égorgea la souillon, éborgna le couillon, et en grand deuil tambour battant l’on coiffa l‘épouvantail d’un chapeau d’aiguilles de sapin sur un chandail de cerfeuil chippé à l’écureuil, c’est pourquoi ce jour-là on enchaîna les grand-mères, cadenassa les bergères, ficela les dentellières, cloîtra les bigotes pour qu’elles tricotent des pelotes et des pelotes de laine rêche pour leurs époux, qu’elles laissent entre les mèches de laine un peu de sang de leurs mitaines, versé enfin pour la patrie, et non plus les cheveux coupés de jeunes vierges.

C’est pourquoi un bel été la brebis qui égara son fol berger dans les alpages, prise du mal des hauteurs, partit la tête vide sous les astres, les sapinèdes, voler les fleurs d’une gitane.

C’est pourquoi ce beau jour la brebis retrouva son berger folâtrant dans les nappes violettes de bruyères fanées.

Pourquoi sans le berger parti courir vers les versants profonds elle marcha, vers les carrés verts des champs de pâques, les carrés verts fermés piqués de pâquerettes écloses, retrouver les petites statuettes blanches enfermées dans leurs prés.

Les carrés verts et jaunes, terre de sienne ou d’humus remué, cerclés des clôtures et murets, petits bocages salins au dessus de la prochaine rivière, encadrés de terres sarclées, puzzle secret zigzagant entre les petites fermes, précieuses estampes mosaïques de prés où les vaches rousses ou noires et blanches avaient la taille d’osselets, dominos s’étalant en champs clos, au creux des la vallée haute.

Toutes ramassées du côté gauche de la rivière opale, irisée ou vert bleu opaque, sur l’ubac vaguement ondulé bosselé des parcelles ; rayon ombragé de soleil enflammé sur les pommes d’api, tombées sous les ailes jaunes et pastis des piérides, tombées exprès sur le chevelu salé des herbes longues aplanies de pas silencieux.

Un point noir lumineux, une prunelle sur une aile nacrée.

Les rampes blondes vernissées des barrières inégales plantées à même la terre meuble, trempée et sèche à la fois.

Au loi, la pression folle d’un lac de sel, bleu ; coloris inégalable du col fermé, inégalé, que nul peintre n‘aura pu saisir, tous ceux venus rendus fous.

Turquoise bleu pâle, que seul Patinir pu retranscrire.

Citerne pesante immense réserve d’eau chaude et froide dans son fond, brûlante et glacée, au dessus des visages humains penchés. Réserve d’eau saline fixée sur les têtes lourdes empesées, les pieds serrés.

Le lac auréolé posé encaissé parmi les versants rocheux herbeux, au-delà des mines d’or, surplombait la vallée, des abrupts ombrés d’iridium perlait une lueur éblouissante

Les minerais douloureux suintaient le long des rochers humides, la terre volcanique fouillée brune rouge, les ruisselets de fer blanc dévalaient les pentes rudes.

Au loin, le lac laiteux penchait dangereusement ses litres métalliques sur la vallée dorée, pressant doucement la terre fragile de son rempart naturel, pubis faible et rigide, friandise douce qui retenait, clôturait les épanchements liquides.

Barrière de débris mousseux qui retenait la contenance aurifère et irradiante des tonnes de métal.

Métal froid fondu prêt à se déverser déferlant sur l’adret tranquille.

Les mines d’or épuisées, fermées, après la gifle ancienne et cinglante des découvertes récentes de minerais luisant, vibration incessante des eaux, douloureuse jusques dans les dents, picotements humides sur les museaux laiteux des veaux, le pelage collé des génisses, le petit lait irritant et tailladant. Des vaches.

Des métaux lourds, plomb bleu liquide fondu penché sur la vallée, tranquille.

Œil bleu rivé sur les humains.


Les nouilles, les pâtes et le beurre, hiver 1995

Dis, maman, elle en est encore à la 15° nouille.

Ne t’en fais pas, chérie, elle a mis tout le paquet.

Maman, qu’est ce que c’est, la différence entre un stylo à bille et un thermomètre ?

Chéri, vas vérifier si le cardan de l’auto est…

Le thermomètre, c’est pas des cardans qui peuvent écrire.

Besoin. Maman, j’ai lessivé les meubles.

Touche pas avec tes doigts.

Maman, j’ai aussi lavé la chemise de nuit.

Bon, vas passer le pyjama à ta sœur, et ramène-moi la lessive en poudre.

Maman, qu’est-ce qu’une chaussette qui pend ?

Chérie, vas vérifier, voir sur la corde à linge, je crois qu’il manque quelque chose.

T’en fais, pas, c’est que ma socquette qui sèche.

Maman, les nouilles, elles sont toujours dans le même sens.

Maman, les nouilles, maintenant, elles sont en désordre.

Mange, laisse tes cheveux et tais-toi.

Maman, passe-moi le beurre, j’aime pas le goût du rouge à lèvres.

Tu as les nouilles et le beurre.

Maman, j’ai perdu un basquet.

Refais-moi tes lacets.

Maman, j’ai assez de me battre avec les nouilles. J’ai fait pipi dedans.

Chérie, vérifie si c’était bien le paquet de pâtes qui était dans la casserole…

Passe-moi le livre de la Belle et la Bête.

Non, celui de la Cour des Miracles

Bon, passe-moi l’annuaire.

Maman, j’ai cassé le cardan.

Touche pas à ça, c’est le Président à la télé.

Quinze ans plus tard : touche pas à cette matraque.

Maman, c’est quoi la différence entre un pot et un rouleau sopalin ?

C’est à peu près la même chose…

A l’école, plus tard : quelle est la différence entre un vase de Chine et un rouleau de papier WC ?

Maman, c’est quoi, la fin du film ?

Je ne sais pas, de te répondre je n’ai pas suivi la fin.

Maman, les nouilles, c’est collant...

Bon, appelle la police.

Maman, le ketchup, c’est toujours dans le placard ?

La peinture rouge…

Maman, dis, c’est le rôti qui sent le brûlé ?

Non, c’est maman qui fume, appelle les pompiers.

Chérie, la sauce au piment, le petit goût de poivre, c’est, divin…

Magali, où as-tu mis les potions de mémé ? Le …petit goût amer, hein ?

Maman, j’ai perdu le fil, il n’arrête pas de me ficher les nerfs.

Tiens-moi la pelote, je compte les points.

Maman, il m’a pris mes billes…

Bon, elles étaient comment ?

Je crois qu’il les a avalées.

Maman, une statue, ça se fait avec quoi ?

Touche pas… au bébé… ?

Maman, c’est quoi, une mariée ?

Tais-toi, regarde la statue.

Maman, j’ai vu un petit fantôme.

Tais-toi, et mange.

Maman, ça vit comment, un revenant ?

Dans la mémoire.

Dis, chérie, il y a encore Mitterrand, à la télé ?*

Maman, je crois que c’était Dracula.

Non, c’était le chat.

Chérie, il y a encore le Bébet-show…

Maman, je veux des nouilles plus longues.

Maman, les spaghettis, je les mets à l’eau, je les trouve secs, je les réhydrate.

Chérie, qu’est ce qu’est ce qui d’après toi peut réhydrater des nouilles… ?

Maman, c’est quoi, je parie que tu le sais pas, la différence entre une machine à (paf, claque) écrire, et une bicyclette ?

Chérie, va voir au garage, la trottinette tu sais, la Golf……

Maman, j’ai des nouilles dans le nez.

Passe moi les pinces à épiler…

Maman, c’est quoi la différence entre une porte d’église et une prison ?

Ben, c’est comme pour les clochers, dans les deux cas, on les ignore.

Maman, dis, dans les nouilles, ça fait plein de petits bruits…

De … salive… ?

Les clefs ?

Dans la coupe….

Les clefs de la voiture, tu les as mises où ? Je ne les trouve pas.

Ah, oui, merde, le vitrier…

Maman, j’ai vidé le briquet qui était sur la table, il était plein de gaz, ça pue.

Dis maman, la naphtaline, c’est fait pourquoi ?

Appelle le médecin.

Maman, il aime pas.

Non, pas la carotène, non, pas non plus le poivre, ne mets pas non plus de l ‘hariza.

Ben, c’était de la sauce tomate.

Si les patates douces avec ça il ne les aime pas, passe lui les nouilles.

Avec le poivre.

Oui, et bien les merguez, c’est comme pour la bataille de la 15° nouille.

Bien, passe lui, non, le caramel, la vanille et le chocolat.

Maman, j’ai tué les spaghettis.

Maman, c’est long, quand un spaghetti ça pend…

Maman, j’ai trouvé de la blédine au chocolat au fond du placard, je peux en donner encore à Damien ?

L’urne funéraire de pépé…

Il a voulu obtenir le premier prix d’avaleur de spaghettis à la blédine et il a fait une réaction avec les nouilles …

Papa, c’est quoi, le coup de Vercingétorix ?

Ça vient de la télé, chérie, passe-moi la manette…

Maman, ça pique.

Il l’a répété.

Maman, le thermomètre du salon, il avance, il est monté de deux degrés Celsius.

Alors, tu regardes dans le four, d’abord le thermostat, tu vérifies si le gâteau de riz prend, il est pris, bon jette–le, non, tu appelles les pompiers.

Hurlements.

Chéri, vas la calmer.

Damien, rends son appareil dentaire à ta sœur, je t’ai déjà interdit de jouer avec, et range ce scalpel.

Quinze années plus tard :

Maman, il m’a piqué mon livre de sciences éco…

Tu n’as rien d’autre à signaler ?

Non, mais il m’a aussi piqué les clefs du studio, la télé de la maison, ma biafine, la couette de mémé, et aussi le portefeuille…

Dis, il a aussi laissé une note…

J’ai pas fait attention, à la consommation d’électricité, il est parti avec une copine de maths sup’.

Et il en a pris pour combien ?

Ben, il ne reste plus que le tube de vaseline… Je crois qu’il a fait une réaction au beurre des nouilles.


La misère a ses raisons

La violence : de l’âme en friche.

L’indifférence : l’opacité du vice et du coeur.

Il faut savoir mourir pour trouver ses veines.

Il faut savoir, vouloir se tuer sans jamais y succomber pour connaître le pouvoir de vivre.

Il faut savoir se perdre pour se trouver et se dénuder pour reconnaître ses plaies, celles de l’esprit sans les rhabiller de fausse pudeur, ni de fausse joie.

Que ceux qui croient que le corps seul agit, fait et travaille, seul peut distiller l’encre des crimes qu’enfante l’homme qui se volent d’yeux à yeux.

Il n’y a de défaits que les vaincus, il n’y a de victoire sans défaite que pour les orgueilleux,

La pureté est faite de bonne foi, elle est le silence de l’esprit.

L’amour n’a de ceci de sensé qu’il permet seulement d’être, créer, sans juger. Même s’il contribue au bon jugement.

Le risque est la peur de l’assurance.

La crainte la raison du risque.

La folie est l’amour perdu qui se trouve et se perd.

La sagesse, la mièvrerie de l’âge des grands et petits cultes.

L’insensé raisonne dans la rigueur de sa folie, il devient le noir profond de la pensée quand le blanc bonnet du médecin et le bonnet blanc des préfets l’étouffent.

Le ridicule enfreint les règles, même s’il existe des règles du ridicule.

Il déroute, désarme, détourne et aguerrit, soi-disant. Il fait les grands et les petits, les médiocres ne le connaissent point, les grands le méprisent.

L’injure, elle détourne le foin droit, détonne sur le vécu, froisse les rêves. Patine les âges mûrs, corrode le dévolu, flétrit l’éphémère. Ecrase les certitudes, enfonce dans la petite universalité du commun.

Démonte les espoirs.

La menace : ronge la volonté, détruit l’imaginaire.

Enfreint l’inimaginable, amoindrit les temps morts des foules, amplifie les libertés, exacerbe la révolte.

L’absolu, n’est que toujours éphémère, dans son éternité.

La promesse : graine de liberté.

La fierté : graine de négligence.

Vendus

Coronariens cornus

Vendus

Tordus

Merlus

Putassiers de merdreux

Putains de.

Saloperies de tripatouilleurs de circonstance

Ras les espérances

Ras les ordonnances

Ras le bol, le cul et les fontes

Des obnibulateurs de conscience

Empoisonneurs de l’onde fréquence

Focalisateurs de leur omniprésence

Chipoteurs de la suggestion

Enfonceurs de grogne

Energumènes de l’autorité

Cancéreux de la fausse modestie

Exploiteurs de la brassière

Trifouilleurs de brèche

Frustrés de la suffisance

Ecarteleurs de puretés

Profiteurs de phénomènes

Catastrophistes de la crainte

Cyniques de la passion

Machiavélistes du pu et du pouvoir

Chiens de guerre

Enfonceurs de chèvres

Faiseurs de fesse,

Arnaques à pendus

Brutes à saucisse pur porc

Germains

Tueurs notoires, mal mariés

Sortis de l’ascèse, estropieurs de paresse

Pelures d’ordures dans les gâteaux

Insectes grillés sur les dessus de lampes

Ecarteurs de filles

Bons pères de famille

Filles à soldats

Coupeurs de doigts

Et de talons d’Achille

Sueurs notoires

Cuisses velues potelées et poteleurs assidus, peloteurs émérites

Cornus ventrus, ventres pénibles

Amateurs de vénus callipyges et de femmes ventrues

Fesses fendues

Femmes dépensières

Hontes à vous, bues.

Droit

J’assume le droit d’exister, sans pouvoir l’assurer.

Le droit que j’ai d’assumer un droit que je dois assumer, que j’assure tout de même, vivre libre, que je n’ai pas, le clauses de la loi n’invitant qu’au droit de se taire et de faiblir, ou assumer, sous la contrainte du Vous, et de l’Etat.

Pas le Mien.

Le droit.

Le droit de vivre, de parler, d’enfanter, de mourir, décemment, le droit de liberté.

Liberté pour qui, liberté de quoi.

Que j’ai ou que je n’ai pas, la république des Soi, des Moi.

Le Droit de figurer dans le Droit, de se figurer le Droit.

Le droit à la place au soleil, de vivre sa liberté en liberté.

Il a le droit de faire ce qu’il veut, ce droit, dans les limites de la loi, les limites étant celles que chacun donne, celles de l’Etat, et celles du Code Civil, limites permises par la morale, ne devant en aucun lieu tenir lieu de Droit.

Droit de dire, droit de se taire.

Pas trop fort et quoi, droit des libertés de penser, de conscience.

Droit de vivre comme on le peut et non seulement comme on le doit ou le veut, car qui veut ne peut forcément.

Droit à la resquille des droits, parvenir à vivre le mieux possible, ou s’habituer.

Droit de rester ou de partir, liberté de travailler et non plus devoir de travailler, pour améliorer ses chances de survie.

Droit vital de rester en vie décemment jusqu’au décès librement consenti et naturel, de parler sans y être obligé, de se taire sans y être forcé, droit d’y consentir, droit au respect.

O l’honnêteté de paraître, de parler et vivre, sans se priver O droit honnête, de ne bafouer les lois en attendant la fraternité, droit des riches invaincus de par la religion.

Fraternité du don, de soi.

Soi.

Ou rien, sinon le ça du droit commun, droit de partage de soi,liberté des foules et ses barrières, convictions religieuses refoulées, attente de l’espoir des autre, pour rétablir le Droit.

Ceux qui y ont Droit.

Marquisades célèbres, porteuses de nobles à sceptres de gouroux, Libres et leurs peuples d’Hommes esclaves qui aiment leur condition, esclaves surtout d’eux-mêmes, tout soi son roi de soi qui ne doit admettre de libre arbitre des castes et des conditions que ce qui respecte la vie et tolère la notion seule des limites des libertés.

Rabatteurs de foules et placiers, droit du toupet du gonflé de la rue privilégiée au droit légal, le droit vous ignore.

Droits domaniaux sur êtres humains plus parqués qu’animaux, organiques et végétaux, par appropriation de leur droit presque instinctive et prédatrice de biens, mais efficiente et réelle, mise sous étiquetage préalable et préétabli, volontaire et conscient, des hérétiques profonds maquisards au système de mise à l’écart de la dissidence et son aliénation.

Ou théorie de l’esclavage moderne sous-jacent, inavoué et librement confondu avec les mœurs, librement consenti.

N’admettre les porteurs de vérité, qu’à l’hôpital. Diafoirus Archidiacres dyarchiques.

Gégène médicale, un détail de l’histoire, française aussi. Présent sans histoire.

L’histoire du présent. Histoire présente, sans futur. Santa Esméralda française que l’asile psy.

L’Etat, les Tatas, les Tantouzes, les tas, les Gros Tas, les Tontons, flingueurs, les Tontons Macoutes ma croûte.

L’état dans lequel nous sommes, chacun. Etat qui empire et fait de plus en plus mal.

Le « ressenti » médico-politique des coups, les coups, dits dans la vue de l’esprit.

Histoire qui recrute, pour se reproduire

Dame Blanche, Chile.

Chili français.

Torture médicale politique.

Dans chaque quartier.



Liberacion, ibuprofène y paracétamol

Respiration restitution acclimatation compensation lévitation afficion fluxion affliction ratatinacion décalcacion extorsion extraction extradition optimisation réflexion prostitution rétractation rétraction crucifixion décrucifixion prostration apparition réquisition répulsion épuration purification pacification intubation incubation friction rationalisation radicalisation relativisation pression bastion responsabilisation relation transaction rémunération restriction.

Officialisation argumentation commercialisation troufion spécialisation vérificacion de los neuronos y nonos alimentation extermination humidification. Mastication ingurgitation déglutition éructation défécation miction sudation sternutation amplification filiation expurgation expectoration. Extériorisation. Projection stabilisation fortification fornication instruction ponction inversion réversion révision vision purification ion pion nion. Sion. Putréfaction. Légitimation. Déclination déclinaison oraison succion éclosion flexion hypersécrétion illumination justification affabulation contribution dépression million monarchisation dimension organisation opposition coordination ostentation ordination. Fion.

Débactérisation. Déconnexion. Immunisation. Marchandisation paupérisation inspection reddition. Fiabilisation finalisation. Application. Pénalisation incantation prévarication intubation. Mortification. Opération. Raréfaction internationalisation dentition exécution excitation exagération acceptation harmonisation germination imprécation convention champignon collation collection colonisation crevaison criminalisation appropriation mondialisation photosensibilisation réincarnation sanctification saponification sodificacion stipulation socioprolétarisation codification stérilisation thermovitrification atomisation vaccination ventilation vinification réservation précipitation. Révulsion répulsion.

Socialisation sociabilisation satisfaction protection y dentition expérimentation accession acceptation résiliation ramification, obsession perception interdiction fascination fascisation immobilisation mobilisation expiration notion falta de conicion perturbation perdition définition cession pollution contraception contradiction ascension ablation. Persécution. Irradiation irritation. Désertification. Spiritualisation. Mécanisation. Décontamination. Machination russification esthétisation estérification publication stéarinification totalitarisation mutilation action. Agitation implication personnalisation individualisation. Poblacion. Infliction. Improvisation. Répression. Expulsion expropriation.

Concentration arriération annihilation version rentabilisation idéalisation libéralisation versification politisation. Pollinisation. Propulsion perquisition incarcération. Proposition.

Matar la muerte.

Prohibition vérification identification obstruction sustentation substantification orientation direction orientalisation simplification supplication spécialisation incapatitacion révolution manifestation insensibilisation consommation information infirmisation compensation désinformation approbation attention. Suppression. Notification. Concertation. Interdiction. Accréditation abrasion fiabilisation création démortification subjectivisation intoxication transpiration désapprobation tranquillisation amélioration appellation dénomination. Imperfection simula tion infection carnation minorisation perdition probabilisation restriction.

Mejico.

Gesticulation destruction accession ébullition explosion ablation possession.

Dérision. Cuba. Caramba.

Verdad.


Pulsions intimes, années 70

Leurres

Souvenirs


Et seul le malaise restera

Le cri du coq se transit, râpeux et blême. Une nuit froide sous les brouillards des plaines, sous un froid de gelée.

Il frémit de ma terre, tremble. Il chante ma pitié et sa crainte. Il a soif.

Il a guérit des guerres atroces de son cri qui lancine. Il aime. Fiancé avec mes nerfs et les traces de coups, il englue mon sommeil. Le cri s’éveille dans un demi-jour qui fuit la nuit.

Il lance son hurlement de coq à tout un jour qui s’épouvante, vibre dans ses séquelles, transpirations d’ivresses, furie dans l’haleine glauque du péril, du péri et de la chair qui s’indigne.

Il tremble de la nausée des petits jours au café sans réveil, s’éveille dans les foules endormies aux cendres rouges, brasiers infernaux de la chair échauffée étouffée des jours sans faim. Affres sans volupté, sans volonté aucune, sinon traumatisée.

Il a faim et je gémis. Transi dans sa haine, roide, le coq émiette les heures de la nuit qui crie et erre raidie d’une transe électrique. Des étincelles de son cri atteignent mon repos, ivre de fatigue, je geins, me tourne vers la lune levée.

Me retourne dans mon lit, dans l’attente du soleil, bascule du délire intérieur opiniâtre lourd et sourd, chuchoté bas dans les pensées.

Je sombre dans un vertige sans nom.

Je hurlerai moi aussi tous les dépits des terres brûlées, les tortures sous le grand jour pesant, les misères qui se séquestreront de leur foi en l’avenir et l’ivresse des vieux temps.

Son cri sonne le glas, donne des frissons, fait froid dans le dos, il prédit l’avenir, sent venir le moment succin du sang épandu à l’aube qui s’éveille et l’heure des crimes.

Un coq qui tue la foi divine et aime le prisonnier qui au fond de sa cellule croupit, meurt d’envie d’une envie rare de liberté et de vie future, celle qui plaint la peur et la terreur, clame haut et fort l’innocence de l’inconnue percluse, la haine miséreuse, purulente et pouilleuse, à bout de nerf, la révolte des vicissitudes trop pesantes.

Il aime, la perdrix fugace et ses petits, le faisan à l’orée des bois, les vieux sapins, les lapins duveteux, le lièvre qui détale, et sa hase, si craintive. Il vomit sa transe et crie sa nausée.

Sous les branches sèches, l’odeur de la résine hérisse plus fort encore les moustaches, des chats.

Son cri percute la montagne, les gros bulldozers qui croisent au loin, rasent la montagne, machines infernales dont les gros phares éblouissent les yeux, faits au sombre de la nuit. Gros yeux d’insectes noirâtres ravageurs, alignés peu à peu dès le lever du soleil, sur la crète. Bulldozers, pelleteuses qui alignent les blocs en désastre, autoroutes géantes, balafres de la garrigue.

L’explosion du vieux volcan se fait attendre.

Le mugissement des camions et des bennes oranges taraude lentement au cours des nuits d’épouvante, le ventre de bête de cette plaine, retentit en écho sourds aux malheurs d’ici bas, de cette terre maligne, ravagée de heurts avec l’humanité mais sans défense.

Je désespère.

Le cri du coq avertit, si fort de la présence du malheur que je pleurais moi aussi une fin injuste, abrutie de l’indigeste, je clamerai la sottise du monde, coq, cracherai ma salive ainsi que le sang d’un innocent mort pour son sang.

Tu parles familles et mort pour une société que tout accuse et plus rien ne sanctionne. Un criminel aurait raison pour des raisons d‘Etat, raison même de la conscience inavouée du crime, toute honte bue.

Et la terre ne vivra son cauchemar de mère de la vie que tout bas, petit tas de cailloux, galets os blancs traînés roulés sous les eaux en trombes, répandus dans les rivières et les mers, nourriture des blés et immondices insipides lavés de la jalousie des hommes envers ses origines, volcan actif qui rougeoie encore sous l’atroce, terre, qui donne le pain quotidien.

Le volcan à jamais éteint empreint du halo pale des phares, seule lave figée qui ne coulera jamais que sur le sable des tonnes de bitume au parfum indélébile, arasé, frémit de feu presque mort, se souvient.

Je pleurerai moi aussi l’esprit sourd d’un peuple de bravades et d’injustices indignes.

Le malaise seul restera.

Le coq, sublime, vestige de ce mont jusqu’à sa mort, restera seul avec sa fin prochaine, sa voix rageuse luttera longtemps pour sa terre qui lui manque. Il faut tuer le coq.

Il prédit dix ans de plus d’enfermement, peines d’une vie de peines, fatigues saoules innombrables, scribes de frémissements dans relâche de toute une jeunesse.

Un coq qui meurt dans sa mort atroce, et la haine qui s‘enfonce, couteau dans la veine de son cou de pauvre bête, la haine l’embrasse, dix ans de malheurs, persécutions ultimes.

Son cri me berce et m’inonde d’une sueur acide, malaise jusqu’au sang.

Je ferai dix ans de guerre pour défendre le cri rauque de l’oiseau, du fou, du sang répandu pour que ne survive la haine.

Dix ans des complainte je réciterai, écouterai la voix intérieure de l’animal qui parlait au fond des cœurs, sauverai mon âme des après-guerres interminables. Je libèrerai les cœurs des amoureuses.

Le coq de l’enfance a pleuré sa liberté acquise par la mort, et la mienne, le malheur d’être enfant.

Je ne reverrai la montagne, je ne verrai peut-être le mariage que dans dix ans, dans très longtemps. Peut-être jamais.

Pour un jour qui blêmit dans le bleu des pervenches, pointe de feu des feuilles de lierre rampant, s’émiette entre les rameaux les cloisons froides d’une vie sans empreinte.

Les pulsions sacrées déchaînent les foules.

L’ami, quand verra-t-il le jour parmi ces hommes toujours en guerre… Mes mains tremblent et je tremble, hérissée de froid. La peur, la nuit, pour le pari d’aimer plus fort, la sueur du café torride, les sens qui transpirent…

Le coq frémit au loin, je reste dans mon lit, à ce ma tin d’avril, le cœur en peine, attendant que le chant cesse, rêvant dans un soupir aux trilles des rossignols, ruisseaux des fraîcheurs de mai, printemps glacés.

Je verrai passer le temps du printemps, seule. Les grillons brûleront l’été, les passereaux reviendront, le rossignol épuisera mes nuits. Me rappellera les heures noires où les envies calment les désirs

Cœur qui se lamente durera.

Le chant quelconque du coq, horrifié du futur qui m’attend, des larmes des amants séparés, des espoirs jaloux abrutis, clame la peine des amants qui ne reviennent jamais.

Le coq de l’hiver chante et chantera la complainte de filles esseulées sans joie aucune.

Et seul le malaise restera.

Et toute l’erreur retentira, effacée des souvenirs mais présente, toute honte pourchassée par les étoiles au bord des cils, tant qu’il y aura des coqs au petit matin et des hommes qui rêvent de la guerre, et tuent comme des bêtes des filles belles pour leurs contes d’hommes ivres saouls de l’ivresse des meurtres,hommes qui tueront pour un peu de bière, le rossignol des lierres, et pour un peu de vin, d’alcool, chaque homme qui restera libre, tant qu’il restera un homme sur terre pour que les femmes ne traînent leur robe dans les caillots de sang englué à leurs prières, tant qu’un coq chantera.

Et le vent hurlera dans les embrasures des portes, après la mort du coq, l’épouvante d’un autre, des filles que la tempête blesse, la tuerie, et les cris que poussera le vent m’enseigneront la route à suivre, avertissement craintif imprégné de toutes les résistances.

Après le vent la tramontane, après l’autan les oiseaux des bois, puis les nouveaux étés et les terres jaunes de juillet, les eaux topaze des mers reviendront aimer la solitude, après les cigales et le temps de pluie, la nausée des hivers jusqu’à ce que de printemps il n’existe plus.

Le temps froissé et la bouche rouge qui bouge des fards des mal aimées, je pleurerai.

Et seul le malaise restera.

Et le vent d’autan.


Premier jour de neige

Un seul jour de neige

Dans la baraque des âmes, des êtres éteints, des lits de bois lourds de patine

Aura suffi à tranquilliser la vieille croûte de blé sec

Entaillée des chaudes années lumière de diète étoilée

Aura réussi à unir l’eau sûre le froid la terre et le feu

A raviver les couleurs lucides, givrées de temps perdu

De couleurs à l’eau, du noir pays.

Compost mêlé de l’humus de terre moisie

Née des vieux raisins pourris enfouis aux pieds sombres des ceps de vigne brune

A demi décomposés de l‘hiver neigeux

Brûlent légèrement leur dernière vie

Tendues sous les herbes grasses, les racines des arbres repoussent les névés

Ombres qui descendent du Mur de pierre qu’est ici le ciel noir ombrageux

L’impardonnable pain amer du vide, du rire sardonique

Puissance âcre des végétations écrasées

Sous le poids constricteur des bruines acides glaciales ou tièdes

Forgent les chambranles des fenêtres imprégnés des sucs noircis aux feux de joie

Des fumets salis d’humidité, dans une bulle léthargique d’eau neuve

Tombée en cascade du haut de météores nuageux

Nébuleuses irisées.

L’impardonnable pain amer de la séparation

Le rictus des rires à contrecœur

Issus du pouvoir secret des Hommes

Enceints de rares gelées, de la violence des végétations salubres

Ingérées dans les tissus fatigués

Echantillons de verdure pendus aux pentes de rocailles des flancs tendus,

Collines ravagées de printemps aux jardinets coquets

Salades et artichauts

Forgent les chambranles des portes les montants de bois des jambes humaines

Les mordants légers des fins d‘hiver

Ils auront tordu les ferrailles des bâtisses

D’un gel vif et sans pardon

Neiges purifiantes purifiant les ivresses des temps passés

A mordre dans la poussière des vertes années, dépassées

Lignes serpentines des eaux vivaces

Plongeant jusqu’au point de retour

Dans l’abîme des sens

Plongeant dans la fonte des neiges au profond de puits ouvert sur le ciel pur

Mousses abondantes de végétal givré

Tapissant le fond du trou à plein ciel vert

Plongeaient des racines les liens du mal entre terre et nuit, entre ocre et bleu

Entre la raison pure et l’absinthe des liaisons, folie naissante, pures traditions

Et l’eau ferrugineuse des météores fugitifs ravive les sens aigus de l’aquarium sauvage géant de ce monde sans réponse aucune à son existence, au climat taciturne, emporté ou tourmenté de cataclysmes cauchemardesques quotidiens.

Rêves éveillés sacrilèges des ombres tacites, tâches et corvées.

Marque indélébile de la raison, sauf peut être celle de la terre, celle de vivre, la raison d’être sans détour masquée du tatouage des amours calcinées.

Sirènes des rivières qui jouent aux merveilles contre les murailles déteintes.

Dans la Maison des arbres hêtres qui ont crevé le plafond de tuiles, et bâti la bulle de vie qui rêvait d’une toiture d’ardoises noires écaillées de lichens.

Un lieu qui soit un abri sec où chuchotent, froissent des feuilles, croissent, feulent dans la paille, respirent les arbres feuillus, poussent entre les charpentes, font paraître les souches, rhizomes de la forêt.

Des oiseaux des bois enchevêtrés d’interdits vivent sous les toits de verdure, relient la voûte de feuillage aux branchages tordus, entrelacés de mots murmurés, amoureux transis du soir.

Piaillement au creux des plumes, au sein de la Maison des oiseaux qui chantaient.

Oiseaux des bois et des fourrés qui volent sous les tasseaux couverts de terre cuite restante, mousses écrasées sous le froid humide, oiseaux verts ou passereaux bruns, frileux d’une aura inondée d’inconnu. Enamourés de graines rares, tombés des pins sylvestre, voletant dans l’espace couvert simplement de l’air frémissant infranchissable de pureté, renflés de soupirs, ils volent dans un vol feutré, dans l’attente de la mort, irradiés d’amour, de puissance éternelle, vibrée.

Feulaient entre les battements d’ailes, les souffles épris des bêtes, l’haleine éperdue de l’Ami.

Mythe des cadences infernales, reproduit rythme des battements du cœur.

Cours vite d’avantage avant que la marée n’enlace les chevilles, ne t’allonges sur le sable mouillé.

Au milieu des coquillages et des étoiles de mer, échouée du songe maudit de renaître, avec le changement de saisons, la révolution nouvelle de la Terre.

Eaux vivaces de la passion des Hommes

Issus des bruines et des brumes d’acier

Livrés à la fatigue humaine

Soulagés des plantes lasses d’aimer

Satisfaite la course des bois autour du monde, ne s’empoisonnent que du suc des végétations pourris sous l’eau tombée du ciel, que quelques faunes croissantes lavées à vif des plaies des trombes de déluges naturels, sous l’arcade d’une étreinte humaine mortelle.

Rousse fouine foulant les feuilles couleur écaille, fuyant quelque appel de braconnier.

Viennent les Maître des massifs, du fin fond de l’ubac plus loin que le trajet d’une pierre, les fauves, lynx des forêts, martres, lérots, autres fouines, écureuils pris profondément de terreur maligne que seul le sommeil peut rassurer, s’endorment dans la Maison de bois, des faunes tranquilles qui s‘évadent des Maisons de pierre, basaltes et granits micassés, des grottes à flanc de montagne.

S’endort le lérot sur le billot de chêne, relique de vies éteintes, dans la Maison des arbres au toit ouvert, battue aux sangs par les gifles de bourrasques douloureuses, l’automne venu, s’accumulent les passages des chèvres, heureuses des salpêtres naissants, en auréoles de gemmes lucides, témoins premiers des masures vides. Mauves d’aurore gelée.

Ce n’était qu’un toit, ce n’était qu’une femme, disparue.

Le toit énorme de la Maison, note de lecture

Tombée au fond du puit, sans trou plus profond que le verdâtre de l’eau, sans nulle issue plus noire que le noir absolu.

Niée en elle, la femme absolue, la déesse Mère, le propre de l’Homme, la Raison, la Maison, la Pensée.

Niée en toute femme née trop tôt, intelligente peut-être et assez sensée pour ce monde, la déduction visionnaire de ce monde cruel, monde réel, la déduction du paradigme de l’Homme et de la Femme, vécu froidement frigide bizarre sans tête et dotée d’un corps d’échappée des chairs moites de l’Homme. Chairs putrides des amours dominatrices, fournaise des génocides putrides hommes aux chairs crucifiées dans les ghettos du ventre de la terre, enfoui à jamais le temps futur de ceux qui ne sont encore point morts, de l’attente inutile, des fins de désert.

Cendres froides des morts soufflées par les vents.

Porteuses d’un monde idéalisé d’une fenêtre sans rideaux ouverte sur un avenir dépassé, sans que possible n’ait vécu ni n’ait pu se réaliser.

Une grue givrée sur une patte rosée au bord d’un lac gelé un matin, un désert de montagnes bleues, de sables gris, de sel sablé de rouge.

Le toit énorme de la Maison sur la mémoire sans attaches autres que l’amer du thésor de l’espoir de hurler enfin, plus fort encore que le dernier cri de l’oiseau, ou le dernier soupir du mourant. Que le hoquet de l’agonie, d’une femme sur le bûcher, le cri quotidien que le réseau des eaux vives invisibles de la pensée, avalé dans les trous d’eaux mordantes de l’ascèse nubile d’une humanité mal vécue Profondeurs de la Femme.

La femme ni matonne ni flic ni maîtresse à fouets, la Femme en elle-même, le sens purifié du terme, l’identité ajoutée à sa présence, pas uniquement celle de la Mère.

La Mort, la Torture, la Faim, et l’Horreur, eaux fortes des eaux noires et troubles de l’humanité menée le sang à vif, à l’autre côté de l’humanité, la bête de somme.

Le toit sous le déluge de feu des guerres atroces des Hommes, énorme de la raison d’Etre et de la raison d’Etat, incinère un à un les jouets de plastique toxique de la maison, maléfiques de haine ancestrale. La Raison d’Etre, la femme et le miroir, la pensée atomique et atomisée d’un genre humain, l’Homme.

Et le futur qu’il n’y a pas, qu’il n’y aura jamais. Il n’y en aura jamais d’autre, il n’y aura jamais de futur là où de futur il n’y a eu, de monde jamais vu ni entendu ni touché ni senti ni exact de certitudes millénaires douillettes, ni réuni ni sans un atome de femme, et le péché d’envie des Hommes. Ni en un autre être qu’une femme ou un animal, un homme pris pour la Pensée en Soi qui ne brûle ni ne détruit, un jour peut-être viendra, pour lui, et sa pensée future.

Et le futur de la femme, son passé vénal et virginal, un hold-up que la femme et sa pureté ont eu longtemps à l’étude, la résolution de cet enfer du vide sidéral viendra, soupçonné des francs-maçons de mystère divin, la femme vécue dévergondée, vide sidéral de la planète, reste à dompter dans ce règne en être vide du propre masculin, de longue date éculé sur le genre du ventre.

Hold-up à braquage que la perspicacité et l’esprit de justice, les droits de la femme, droits acquis de ces êtres aux sens de l’impalpable et de l’infini, de l’implacable des sens à jamais ancrés dans le jamais cru du vrai, une antithèse du mal que réfutent les médecins de la femme moderne.

Enterrée vive depuis des décennies, dotée seulement de sa voix vieillie, fanée pour oublier, les sévices, les péchés endurés, femme que l’on tue, torture de mort maligne et demain froide, étouffée dans l’humus des femmes communes, depuis le premier antéchrist, fosses des hôpitaux de guerre, froideur de cette foi de vivre qui reste sa seule raison, celle de la mort promise et de la seule misère permise.

D’un choc fulgurant, le regard ultime, un éclat de pensée limpide dans son éclatement d’étoiles de cerveau, dans le verre épais de la mort.

Et l’antimatière du Mal existe.

Le crime d’être né, d’être née femme.

Fille de l’impur.

Qui n’a brûlé ses doigts à vouloir survivre… ?

Fanée, promise aux dieux, aux feux de bois des simples.

Morte autant qu’un Homme Libre autant de main d’Homme que d’une Guerre.

Un dernier cri rivé au dernier jour de la naissance, vers le bras armé tenant les rideaux ouverts sur un ciel éblouissant,, et l’ombre du Père, le trou énorme dans la nuque brisée.

Le Toit énorme de la Maison.

Sur la Raison de la femme.


Le meilleur de soi-même

Il s’était fixé un but, partir avec les beaux jours et ne plus en revenir, courir après le beau temps et ne jamais respirer autrement que dans la solitude du deuil humain, le chagrin qui habite les idéaux défunts, il s’était donné tout le restant de sa vie pour ne plus vivre que le vent d’autan.

Resté seul depuis les dernières tragédies, sa femme au loin, ses enfants punis de ne plus rire ni d’être avec lui, il pleurait de se savoir à la fin de son monde, écrivait des mots d’amour sur tous les arbres des jardins de sa ville. Il les épinglait d’une aiguille rougie au feu de ses malheurs, aux tapisseries des murs de planches des refuges, s’étiolait sous les branches basses étoilées de neige.

Et dans le paysage de désolation, il chantait tout doucement, la défaite de son cœur, la crainte de la pluie, le terme de sa vie, vieil homme décidé à parfaire son état d’une issue salutaire, partir loin, dans rêves de sans-logis, ne flirter plus qu’avec le temps le temps de vivre comme avec le temps d’aimer, le temps et ses neiges, le temps tout court.

Abrité sous un vieux sac plastique récupéré dans les poubelles d’une usine d’appareils ménagers, il cerclait cette grossesse des idées immatures de révolte dans le foin de la douleur, du pincement de cœur, dans le clair du froid qui vient et le tranchant de la bise.

Il allait seul pêcher sur les bords de la Seine, quelque gardon asphyxié d’iode et de radium, qui avait goutté aux égouts de la ville et mercantile, revendait sa pêche aux restaurants du coin. Parfois un loup de mer ou un grondin remontait le courant du fleuve, emporté par les marées montantes, et il achevait mourir dans les paniers sertis de métal du maquisard des cités, mendiant au front éclairé de courage.

Sa peur de prendre trop d’heures sur sa vie à chercher son bonheur, il laissait les secondes s’écouler entre ses mains comme une poignée de sable fin, la mer, l’eau du fleuve accumulée en un océan de gouttes, celle qui l’attendait et qu’il n’avait jamais vue depuis son arrivée à la rade, jamais au rendez-vous pour la traversée de citadelle.

A chacun il ne donnait que le meilleur de soi-même, le reste, il le gardait pour lui.

Ses pas s’arrêtaient aux portes de la cité, et là, à l’orée de la province, il contemplait la fin du jour, perché sur une colline aux senteurs de bruyère, ce vent qui contrefaisait le mistral et les joues brûlées des entrées maritimes, il se coulait dans le corps des cargos, passager clandestin de ses rêves, pour un voyage inaltérable vers les Antilles, sa terre natale. Il poussait un soupir, retournait à sa barge, traversait à flots le bon sens du fleuve, faisait parfois payer le prix de la traversée aux couples isolés, mandataires de quelque frivolité en échange de quelques sous, qu’il enfouissait dans ses grandes poches, sous le pull kaki récupéré dans les vieux stocks de l’armée. Il repartait désuet et perdu dans son âge, vers des aventures qu’il vivrait au chaud, dans la vieille enfance de la cabane de pêcheur qu’il avait découverte, abandonnée, restaurée les après-midi de silence. Il était libre de vivre ou de mourir, ce poids de responsabilité le guindait dans une dignité qui passait pour de la peur, l’amenait à sangloter, tard, le soir, il était seul. Chien galeux de tous. Chien perdu.

Marin d’eau douce.



Aucun désir aucun

Et le ciel mauve du soir montant vers le soleil superposé aux cirrus oranges, s’aveuglait de silence, s’arrachait de la terre verte et violette, ensevelissait les montagnes.

C’est une mémoire commotionnelle du temps, une et unique, universelle, celle d’écrire un peu, juste un peu de cette mémoire, de quoi se venger de la mort et de toute ère, le temps de digérer les rages au ventre, de palper quelque poussière rouge tombée des vêtements secs au retour de quelque promenade dans l’air blanc de brume de l’arrière-pays.

Comme un cri de chouette et de choucas traîne et se déchire, veille sur le mal accompli, sur les mensonges chers aux communs des mortels, je hurle au-dedans de la poitrine ce premier pas vers eux que j’ai fait, qui m’a valu la peur des anciens pour le futur qui se signale, le dernier pas qu’il me reste à faire étant de revenir aux sources premières, qui me vaudront la paix ou la fin. Dans ce coron mental qu’est l’entre-deux-guerres, la dernière.

L’agonie n’a plus de sens dès que le soleil se met à tourner pour la dernière fois avant que ne meure la lune entre les bras des enfants, endormis tôt le soir dans la criante du père et sa crainte d’éveiller la mère qui dort, rentrée des chaumes, sans repos, endormie dans le terril de la nuit sous la neige de ses ancêtres, issus des morts.

Quand on meurt, même les autres disparaissent avec soi, et c’était comme s’ils vous accompagnaient jusques dans votre tombe, entre le bois et l’humus, c’était comme si la fin de chacun était commune à celle des autres, contenue dans tous les ventres, entre tous les gestes, préparée dès la naissance au sortir des entrailles, à cet ultime instant qui fait que nul n’a ignoré les dunes de pierres noires, ni les barkhanes ni les poussières ni les crassiers de l‘après guerre, ni les guerres, ni la paix…

Et pourtant, pourtant, reste un jour de deuil chaque jour qui paraît où quelque deuil est à souhaiter…

Que je cherche l’amour ou l’arme au poing, de toute façon, ton espoir de revivre un rien l’emportera vers le soleil ; il sera toujours là même si vient à disparaître le dernier des mortels, et personne ne pourra nous le voler, sauf, si quelque bourreau anonyme nous enferme tous deux dans le cachot du cercueil, ou dans quelque prison de terre et de pierre, où seule la nuit aura raison, enterrée vive la lumière des sens.

Que je m’éveille de ce temps révolu où la liberté se taisait au nom de l’intelligence de paraître plus, où mieux, et le ciel mauve lui qui monte vers les étoiles, ne se préoccupe pas de cela, il poursuit sa route, n’a besoin ni de bagage ni de salive pour pester, protester contre cette horreur de la nature, et pourtant pourtant, je le connais mieux que toi, et lui ne me connaît pas bien, trop haut dans l’univers pour que sa rencontre n’ait été aussi celle des autres.

Adieu, autant pour chacun, et aucun désir aucun, d’avoir peur encore… de toi, de la fin de ce jour.



Nul ne sera vaincu

Le temps est immobile et reste passer outre les chaleurs d’août, et les épreuves de la nuit où chaque chat, chaque oiseau sombre la survie de l’espèce.

Les oiseaux, parce que c’est la guerre, entre les animaux et le jour naissant, alors que je m’évanouis dans un sommeil sans issue.

Le grand soleil m’éveille quand un couple de rossignols, mâle et femelle, se fait tuer dans une débauche de carnages, par une horde de pies, rossignols qui hantaient les nuits sages, les cauchemars de l’adolescence.

Quand naissaient la pointe de douleur de la fiancée perdue, les peurs en bleu nuit, les pleurs sauvages, que tout homme ne pouvait contenir ni comprendre, pleurs d’animaux pris au piège de la patience, et de la solitude.

Vous avez des morts sur la conscience, vous qui négligez ces chagrins continuels, chagrins de peur et d’ennui, au fond des jardins sombres, là où le lierre rampant envahit les vieux chênes, étouffe les marronniers. Fontaines muettes d’eau croupie ou disparue, de béton sec étouffé d’algues longilignes, longs cils vibratiles d’un vert tendre, puissantes mates vibrantes de vie secrète, abritant maints poissons, carpes chinoises, quelques grenouilles, et parfois, un crapaud. Entre des mousses rampantes, touffues.

Je devrai mourir dans les gemmes terrestres, dans la chaux de la tombe, ma place faite à la fosse commune, sels alimentaires de l’été qui traîne dans les assiettes, la mort vacille, s’écoute mugir d’impuissance, je n’ai pas repris mon repas aujourd’hui, nourritures humaines que je repoussais, que je me défens de prendre.

Les chats hier soir ont attrapé une palombe, et l’ont dévorée, ne laissant que sa carcasse ouverte à la poitrine rongée jusqu’aux os, quelques viscères.


Ce n’est que le vent fol, le vent fol, Ami, le vent fol

Le vent d’autan angoissait les vieilles vipères, donnait des pattes aux punaises des bois, leur langue de bois, sans répit, tournait la nuit, le jour, autour des chaumières,.

Eparpillait les éclats de verre des vitrages brisés dans les maisons de pierre, lors des assauts. Le temps pendu aux fenêtres se fanait du sable sec des rafales.

Le vent fol s’infiltrait dans chaque fin cheveu de chair, forçait les barrières de douceur du nid, brisait la peau craquelée des visages, laissait les femmes tordues de douleurs, tourmentées sans trêve, jambes noueuses, femmes qui anonymes portant leurs enfants malades, rongés de grippes notoires et conjonctivites enflammées, luttaient contre le courrant sans amont, qui venait de l’infini.

Les poussières du désert ensanglantaient le paysage, s’incrustaient dans les yeux, plissaient les paupières, les faces marquées, morsurées, des hommes matures, crevassaient les mains gercées de gel passées les matinées dans les lessives, les travaux es champs. Chairs rongées rosées.

Et les épines durent dues aux défunts, deviennent l’écharde du condamné, dans les veillées de janvier.

Il faisait beau mais sec, le vent hurlait aux embrasures des fenêtres de bois et de verre, colère hurlante, verre brumeux des haleines chaudes de pitié, de piété familiale, envers le père mal et la mère mourante, creusait sous les laines épaisses, soulevait les capes, s’engouffrait dans les manteaux mystérieux refermés sur des bébés sucrés, des petits d’hommes à venir des chagrins salés.

Il était si sec, ce vent, que les dames pleuraient sans même le vouloir, en silence, de blessures accumulées, derrière les fagots de ceps amassés dans les vignes, lasses des hurlements des bourrasques.

Et le vent se heurtait aux portes calfeutrées, envahisseur invisible irrépressible d’un enfer sonore, bruyant, rappelait le bruit de fond des trombes d’eau d’une chute infernale interminable, les cris au loin des victimes tombées, des enfants mourants, des hommes et des femmes tombés sans faiblir dans les îles.

Et l’hommage du vent aux morts et blessés, à tous les martyres de la terre, terrait le reste de l’humanité et du peuple des hommes dans les quairons de sable, les cabanes de bruyère, les planches des ghettos, au fond des usines muettes.

Vent d’un jugement dernier que tous craignaient, pour avoir eu dansé quand des innocents disparaissaient pour la froideur de la terre.

Le vent d’autan, ce n’est que le sang des hommes qui arrondit la planète et gronde dans les têtes éperdues du miel des ruches sous les balles des assaillants en mitraille, criblées.

Le vent. Il soulevait une poussière âcre, les chevelures défaites des jeunes filles, seul regain en vie de ces provinces touchées, de ce pays amer au goût de terre noire.

Le vent fol sentait la broussaille et la lie des fûts, dérangeait les têtes et les lits, dès le matin, ne délaissait en son sillage que vengeance trahison et délation, la neige vive et le couteau froid de la glace.

Les amants séparés dormaient ensemble, se retrouvaient aux heures perdues blottis sous des couettes amoncelées, dans l’espoir d’oublier les ventres vides, envahis de milliers d’agonies que la tramontane faisait entendre.

Ces accents au plus fort des tourments, passaient du vitupéré aux douleurs dramatiques, des échos de l’horreur pure à la lie putride, à l’espoir imputrescible.

Les familles s’enterraient jalousement dans leurs demeures, efflanquées et plates de peur, la malédiction du vent les travaillait, le vent fol travaillait les consciences…

C’était le chœur des plus purs décédés pour les rescapés, clameurs pires que dard de guêpe, que quelque poignard dans le ventre de la mère promise aux abeilles, il rendait stérile les ménages, pire que la mort elle-même, et que celle du fiancé, du mari et du père, l’agonie lente tuait sûrement lente ou brutale, d’une planète qui n’a rien d’éternel, sinon la fatigue sous le poids des fumées, et celui des hommes.

Et le vent fol un jour aura raison,

Un jour, il cessera.



Dans ma tête, il y a l’évidence du passé, une planète si ce n’est qu’un cétacé

Dans ma tête,

Il y a de la terre, un arbre et un ruisseau

Un peu d’eau pour boire les soirs d’été,

Quand la soif revient coller les boyaux

Et un chien attaché à un piquet, chien galeux qui n’a ici que son maître

Et sa gamelle de fer à demi enterrée dans la terre poudreuse

Sous un pommier

Dans la tête, un coin du jardin, là où l’herbe n’est jamais fauchée, des poteries, jaunes et vertes, dont les coulées d’émail sont inaltérables.

Dans ma tête,

Il y a des cages à lapins, dans un vieux poulailler longtemps désaffecté au grill age peint en jaune pâle, dont les montants écaillés soutient un cabanon assez bas, où il faut plier le cou et baisser la tête pour ne point crever le toit de planches encore couvertes de sciure.

Dans un recoin des flancs de bois, dans un trou presque creusé dans la terre, une la pine et ses petits, des boules de duvet couleur de terre poussiéreuse comme le jardin, poudres de sables, mouvantes et tièdes à demi enterrées dans leur nid.

Dans ma tête,

Il y a le puits couvert pour que personne n’y tombe avec le seau émaillé de métal rouillé qui sert à donner à boire, au chien, aux lapins, dans des gamelles de fer où des trous commencent à se faire, ou des flacons géants de plastiques ouverts par le milieux qui servent l’été à donner un peu de fraîcheur, dans le coin gauche la cour, près de la porte condamnée.

Un figuier dont les branches basses la issent deviner le visage, des feuilles géantes ou immenses, les termes ne sont pas très appropriées, des feuilles telles qu’elles se voient dans les cauchemars, ou les rêves de la passion, qui recouvrent le recoin désert droit dans le fond de la cour, et les figues mûres que l’on donne en récompense aux enfants, une cuvette en émail éclaté sous les ans de service, du côté du robinet couvert des feuilles de l’arbre, orifice ludique et toujours mouillé qu’il faut aller brancher en manquant de se faire tuer du retour d’une branche repoussée trop fermement, puissantes à vous rompre le cou.

Et a u bout du robinet qui goutte même par temps froid, le goulet du dit robinet pris dans un tube en plastique cerné d’un garrot de métal, un plastique acide aux couleurs de bonbon translucide vert, à la menthe, ou jaune citron, dans lequel restaient les algues qui le fermaient s’il n’était que très peu utilisé.

Et les lapins, prêts à mordre, qui vous mangeraient, si vous n’étiez leur père, le donneur nutritionnel, le donneur nutritionnel qui les maintient en vie, ou si vous restiez un peu trop de trop de temps dans leur cage.

Dans ma tête, des potagers minuscules, quelques rangées de petits pois ou de pieds de tomates, de pois chiches ou de fèves, que l’on se boulotte, dans les repas de famille, chez les grands parents, lors des visites, plats de résistance accompagnés d’un civet de lapin fraîchement tué, d’un coup net sur la nuque, les oreilles cassées par des mains trop puissantes, dans les sens de la longueur.

Haricots verts ou fraises, melons d’eau à rayures, que l’on fait croître entre les murs de basalte agglomérés, sans mot dire, pastèques luisantes d’un vert d’ombre, aubergines stupides de bon terreau et pieds de poireaux épargnés des désherbants, salades vives et scaroles amères qui font crisser les dents lorsqu’on les mange, dégustées avec une piquette du magasin.

Boues de vins encore dilués, ou épurés tels esters, réussite la métamorphose du jus de raisin en vin, qui pétille s’il n’est pas trop raté, fait les délices des amateurs.

Boue presque humaine issue des tonnelets entassés dans la remise. Et parfois quelque eau de vie qui vous arrache l’œsophage, tirée des jeannes de verre vert bouteille, et qui se donne en guise de accueil, dans les villages, au bas enfants, parents, visites. Parfois aussi une caisse grillagée, pour soient purgés les escargots ramassés dans les rebords de vignes, sur les tertres sans désherbants.

Dans ma tête, les larmes faciles des dames qui longeaient le jardin pour se rendre au cimetière, à deux pas du jardin, l’arrosoir en fer vert allemand, embouti sur le coté, à l’arrondi plat et vide à la fois, parfois à demi plein de l’arrosage au soir, dans le plus de l’été, quand il n’a pas assez plu, et qu’il faut dépoussiérer les feuilles du potager.

Dans ma tête, la table ronde peinte de la même couleur que la couleur jaune paille du clapier, peinture écaillée qui laisse deviner la rouille envahissante, qui touche jusqu’aux longs couteaux, remisés derrière la pile où l’on se lave les mains pleines de terre, et nettoie les outils avant partir, après avoir tout vérifié du travail bien accompli.

Une table ronde de fer à la surface gondolée, trouée d’un orifice central, qui à l’origine servait à y placer un parasol, les soirées d’été, œilleton immobile qui fixe le ciel.

Au dessus pieds torsadés de la table.

Le magasin poussiéreux, où la poudre grise s’amoncelle en tas et petits monticules, sols et barriques, instruments de jardinage, qui se recouvrent de couches pulvérulentes, épaisses plus encore au fil des années. Des barils de vin et de vinaigre, la motoculteuse, la souffreuse, étaient toute une vie, bouteilles aussi de l’année enfouies sous les éléments disparates de la remise, écuries où végétait le cheval de labour.

Dans ma tête, la paix d’un dauphin, le souffle d’une baleine échouée, un temps dans la mort.